Du crépuscule à l’aube : Strauss et Mahler par Damrau et Gergiev à la Philharmonie de Paris
Valery Gergiev réserve un accueil contrasté aux deux ouvrages. Dans les Lieder, la conduite est sobre et privilégie d’abord l’homogénéité des timbres (au risque d’un son lisse) avant de manier les parties solistes des deux derniers Lieder et dégager ainsi plus de relief dans l’ensemble. Il arme sa baguette d’un ton plus incisif dans la Cinquième Symphonie de Mahler, avec de la fermeté dans la direction. Il évite tout pathos et alanguissement, y compris dans l’Allegretto et ses lignes parfois mièvres. Une conduite que suit admirablement l’Orchestre philharmonique de Munich. La phalange est dotée de pupitres solides, avec des solistes remarqués (violon, violoncelle, cor). Un même investissement parcourt les musiciens : les cordes arrachent ensemble leur motif douloureux dans la marche funèbre, rejointes par un contrebasson dont les basses abyssales ont l’allure du trépas, puis font sonner des pizzicati retenus dans une esquisse de valse au temps du Scherzo. Le maniement des registres est admiré, évitant ainsi tout ennui lors de l’écoute de cette œuvre colossale de 75 minutes.
À l’œuvre dans les Lieder, Diana Damrau peine quelque peu à faire face à l’orchestre, et l’accompagnement pianistique eût certainement été préférable. Certes, la ligne est volubile et sonore, suivant les ondulations du phrasé sans vaciller. Les tenues sont contrôlées et installent une inquiétude propice à l’atmosphère de l’ouvrage. L’entente avec l’orchestre est par ailleurs manifeste, avec des doublures aux violons au millimètre, installant une atmosphère suspensive d’une grande quiétude qui n’attend qu’à être prolongée. Il reste cependant que la voix souffre de piani qui peinent à passer l’orchestre, mais aussi de forte assez aigres. De la sorte, les grands élans de la partition, qu’ils tendent au murmure ou au cri d’exaltation, peinent à convaincre tout au long de l’interprétation.
Une frustration heureusement comblée par Valery Gergiev qui mène et sauve cette soirée dévouée au romantisme.