Les Apaches à l’Athénée : 2020 art nouveau
Par une musique teintée d’expérimentations diverses, le collectif (ré)invente le concert, entre voyage et poésie… Attention aux Apaches !
La salle à l'italienne se transforme en salon début XXe siècle, mais un salon tout sauf dandy. L'atmosphère si particulière de cette avant-garde mêlait en effet Claude Debussy au poète intimiste Léon-Paul Fargue. Le jeune Ensemble des Apaches, porté par Julien Masmondet et Pascal Zavaro, plonge au cœur de cet univers, ici réactualisé.
En deux parties, le concert présente en face à face les « premiers apaches », avec les œuvres de Maurice Ravel pour étendard, et les créations mondiales des « nouveaux », en cherchant toujours ce lien si fort entre poésie et musique qui fait la particularité des pièces de la bande du début du XXème. Si la première partie installe cette collaboration entre les siècles, notamment par les hommages de Pascal Zavaro dans sa Réunion des Apaches, la seconde s’intéresse davantage à un Orient rêvé par les artistes, réminiscence des tendances du siècle précédent, Orient qui aujourd’hui se dessine politiquement à travers les poèmes de Mathias Enard.
La parole de ces poètes des temps modernes se fait kaléidoscope, tour à tour drôle ou mélancolique. Le baryton Laurent Deleuil incarne ainsi les épigrammes plaisantes de Léon-Paul Fargue mis en musique par Erik Satie avec beaucoup d’humour, y compris dans des ornementations qu’il maîtrise avec une aisance digne de la musique baroque. S’il montre aussi beaucoup d’énergie dans la création de Pascal Zavaro, les erreurs du texte sont d'autant plus regrettables qu'elles sont visibles puisque les poèmes sont projetés (dans le cadre d’une pièce qui mêle quatuor, voix et vidéo).
La voix féminine, celle de la mezzo-soprano Fiona McGown, prend le contrôle de la deuxième partie mais la voix malheureusement un peu sèche manque souvent de précision. La grande délicatesse de l’interprétation ne compense cependant pas les inégalités de souffle.
La surprise de la soirée vient alors des trois dernières pièces. En effet, la polyphonie proposée est particulièrement intéressante puisqu’elle associe la voix parlée de Didier Sandre, de la Comédie Française, les chants plus traditionnels du joueur de luth arabe, et la voix douce de la mezzo-soprano, qui cette fois propose une interprétation très juste et délicate, le timbre devenu plus chaleureux s’exprimant particulièrement bien dans le Yasilun de Fabien Touchard. Les voix travaillent alors ensemble à l’harmonie, en proposant une réconciliation par la musique et le chant.
Si le concert (pour un public qui déserte progressivement la salle) pèche un peu par sa longueur, l’énergie vivace du premier quatuor (Quatuor à cordes en fa majeur de Maurice Ravel) mené par la violoniste Eva Zavaro se délitant quelque peu, cette initiative est portée par des musiciens engagés dans un projet qui se veut le manifeste d’une cohésion non seulement historique, mais aussi politique, et surtout artistique.