Faust revient se damner à la Philharmonie de Paris
De la distribution initialement prévue pour cette Damnation de Faust, seuls demeurent Karine Deshayes (Marguerite) et Renaud Delaigue (Brander). En effet, Ludovic Tézier, pourtant particulièrement attendu, s’est retiré du projet il y a déjà plusieurs mois, remplacé par la basse italienne Ildebrando d’Arcangelo en Méphistophélès. Pour sa part, Jean-François Borras, souffrant, a cédé tardivement sa place à Paul Groves pour le rôle-titre. Ce dernier interprète le rôle de Faust depuis de nombreuses années désormais, notamment à l’Opéra Bastille en 2004 dans la spectaculaire production de Robert Lepage auprès de Jennifer Larmore et Samuel Ramey. Le temps a donc passé sur cette voix qui aujourd’hui a perdu une partie de son brillant au niveau du timbre notamment et de sa clarté initiale. Pour autant, la voix conserve sa projection et un soutien certain s’agissant du souffle. L’aigu se rebelle à plusieurs moments, notamment dans le duo meurtrier avec Marguerite et ses difficiles envolées lyriques. Mais l’Invocation à la Nature, plus centrale, plus assise, permet à Paul Groves de renouer pour une bonne part avec sa facilité d’antan. La diction française apparaît fort soignée, attentive.

Face à lui, le Méphisto d’Ildebrando d’Arcangelo au timbre profond très accrocheur, campe un personnage unilatéralement noir, profondément satanique, sans ce soupçon de second degré sarcastique que certains autres interprètes imputent au personnage. Après une Chanson de la Puce presque ébouriffante, Voici des Roses le trouve en difficulté avec un aigu tendu et un legato soudain plus incertain. Annoncé souffrant au retour de l’entracte et visiblement fiévreux, il aborde toutefois avec force et aplomb toute la seconde partie de l’ouvrage. Assurément, il possède les moyens exacts du rôle à défaut ce soir d’en montrer toute l’étendue et la maîtrise.
Renaud Delaigue campe un Brander de caractère, à l’aigu un peu court malgré tout. Triomphatrice de la soirée, Karine Deshayes offre en Marguerite une ligne de chant où la luminosité prédomine, souple et parée de toute la candeur qui sied au personnage. Son approche tout en délicatesse évacue volontairement toute surcharge vocale inutile. Un engagement peut-être plus affirmé dans son second air D’Amour l’ardente flamme permettrait de mieux accompagner l’évolution des sentiments de Marguerite.

Le Chœur de l’Orchestre de Paris, dirigé par Lionel Sow, remplit sa partie par sa fougue et sa précision, notamment les pupitres féminins d’une pleine homogénéité d’ensemble. Le Chœur d’enfants de l’Orchestre vient lui apporter la pureté requise pour la rédemption de Marguerite. Le public demeure d’ailleurs silencieux de longs instants à la fin de la représentation, avant de déclencher ses applaudissements chaleureux, bouleversé par un final particulièrement émouvant et d’une profonde sincérité. Le succès de la soirée repose en premier lieu sur les épaules de Tugan Sokhiev. Il mène l’Orchestre de Paris à bon port avec toute l’intensité requise en première partie -interprétation magnifiée et toute de tension dans la Marche Hongroise ou la Course à l’abîme-, plus intériorisée en seconde partie. Il connaît visiblement les pupitres de l’Orchestre de Paris pour savoir les mettre en valeur, notamment bois et cuivres ce soir. Le second concert est programmé ce mardi 16 janvier à 20h30 à la Philharmonie de Paris.
Une damnation de Faust à la @philharmonie pleine de reliefs, de nuances et de de couleurs sous la baguette de T.Sokief. Une formidable Marguerite de @Karinedeshayes (en non ND ????) domine la distribution. Mention spéciale pour les chœurs et l’orchestre de l’@OrchestreParis ! pic.twitter.com/IwztLjLQrr
— sandra lagumina (@LaguminaS) January 16, 2020