Gloire à Malgoire, hommage Mozart à Tourcoing
Selon les mots mêmes de François-Xavier Roth (que nous venons d'interviewer suite à sa nomination), il s’agit d’honorer celui qui rêvait de diriger la Symphonie n°39 de Mozart et qui s’est dévoué à l’émergence de jeunes talents lyriques (dont les chanteurs présents ce soir).
Sous la direction musicale alerte, l'Orchestre est enlevé avec brio, caractère dramatique et sens théâtral, au travers des contrastes permanents (tempi, dynamiques). La virtuosité dans le dernier mouvement de la Symphonie fait également le lien avec les ouvertures et airs d'opéra au programme (extraits de la trilogie Mozart-Da Ponte : Les Noces de Figaro, Cosi fan tutte et Don Giovanni).
Le quatuor de chanteurs solistes, couvre quatre tessitures et trois générations. Clémence Tilquin apporte sa lumière à la soirée, par une voix (soprano) déployée avec aisance, longue, capable de toutes les nuances. Sa Comtesse (dans "Dove sono") est un peu plus jeune de voix que sa Suzanne, mais la joliesse de la réalisation soutient même la complexité des sentiments qui l’habitent, entre blessure, humiliation et amour. Sa Fiordiligi, prête à succomber, dans "Fra gli amplessi" (Cosi) promet une incarnation à venir.
Stéphanie d’Oustrac déploie son mezzo-soprano généreux et capiteux. Le "théâtre" transpire par tous les pores de la voix et elle a, pour la plus grande intensité dramatique, bien du mal à se tenir à l’exercice du concert. Son Chérubin vibre d'une palpitation érotique avec la candeur de l'adolescence. Elle se lance également dans des parties de soprano, avec le duo "Sull’aria" (Nozze), où sa voix ample et généreuse peine pour fusionner avec celle de Susanna, ce qui n’est pas le cas du trio de Cosi, "Soave sia il vento", avec Clémence Tilquin également. En Elvira (Don Giovanni), dans le "Mi tradi", d’Oustrac rend le grand écart intérieur entre l’humiliation subie et le désir toujours vif à l'endroit du séducteur. Enfin dans le quatuor "Non ti fidar" elle assume à nouveau d'Elvira le caractère et de Roth le tempo rapide.
Reinoud van Mechelen fait monter un ténor particulièrement à l'aise dans les couleurs et agilités plutôt baroquisantes. La voix est aisée, sonore, en demi-teintes et mezza voce même s'il chante avec la partition ses airs extrêmement connus ("Un'aura amorosa" de Cosi et "Dalla sua pace" de Don Giovanni). La présence dramatique est de fait un peu timide mais l’incarnation sonore est convaincue.
Nicolas Rivenq, baryton à la carrière déjà épanouie, est un peu en retrait en Guglielmo (Cosi), et dans "Non più andrai" (Nozze), sans l'ironie ambiguë du livret et que les violons font entendre. Le dramatisme reste mesuré mais le phrasé se meut avec aisance notamment dans la voix érotisée de Don Giovanni. Il tend la main à Zerlina comme il allonge la voix et affine le souffle.
Le public applaudit ce concert qui passe symboliquement le bâton de Malgoire à Roth.