La Finta Giardiniera de Mozart, fontaine de jouvence à la Philharmonie
Fausse
jardinière, Jardin des Voix, Les Arts Florissants, tout l’amour de
William Christie pour les jardins transparaît ici
encore
(cette
production de l’opus
fut créée
dans les Jardins du maître à Thiré en Vendée et elle est passée par l'Opéra de Nantes).
C’est
sous
l’égide du
maître, mais surtout de
la jeunesse que le concert se place. Une jeunesse prometteuse, à
commencer par le compositeur Mozart,
âgé
de dix-huit
ans lorsqu’il compose cet opéra, une commande du théâtre
de la cour de Munich pour le carnaval dont Schubart (lui aussi jardinier) fait l’éloge dans
la
Deutsche Chronik :
« J’ai
entendu un opéra buffa de l’admirable génie Mozart… Si Mozart
n’est pas une plante de serre, il deviendra un des plus grands
compositeurs qui aient jamais vécu ».
Jeunes et prometteurs, les chanteurs le sont également, tous lauréats du Jardin des Voix 2019 (Académie spécialisée dans l'interprétation du répertoire baroque et destinée à de jeunes chanteurs lyriques en début de carrière) et c’est également avec une fougue toute juvénile que William Christie mène l’orchestre des Arts Florissants dans cet opéra bouffe.
La scénographie d’Adeline Caron offre un espace ravissant composé d’arbres, de meubles de jardin et de praticables recouverts de végétation, véritables supports pour la mise en espace de Sophie Daneman qui se révèle davantage une mise en scène tant les chanteurs sont invités à jouer. S’ajoutent les costumes efficaces de Pauline Juille permettant au public de distinguer la classe sociale des personnages (tenues de soirée des aristocrates, robes à fleurs et tenues de jardinier des serviteurs) et de ne pas se perdre dans une intrigue rocambolesque.
La cohérence réside toutefois dans l’implication joyeuse des jeunes recrues venant de l’Europe entière, dans leur voix saines et expressives et dans leur plaisir du jeu. Mariasole Mainini incarne la Fausse jardinière (Sandrine/Violante/Janus) dans un jeu quelque peu retenu mais néanmoins touchant. Touchante la soprano l’est dans l’air Geme la tortorella (La tourterelle gémit), sa voix ronde épousant le doux phrasé mozartien. Elle peut manquer de piquant lorsqu’elle se plaint du sort des femmes (Noi donne poverine – Nous, pauvres femmes) mais ne manque pas d’humour lorsqu’en plein délire elle se prend pour Janus en empruntant une voix enfantine irrésistible.
Lauren Lodge-Campbell est à son affaire avec le rôle de Serpetta, qu’elle interprète espiègle. Son jeu est alerte et elle se régale à faire tourner Nardo en bourrique. Sa voix fine aux aigus aisés est agile mais peut cependant manquer de présence, surtout dans le médium de sa tessiture. Deborah Cachet possède toutes les qualités pour le rôle d’Arminda fluctuant entre le sérieux et le bouffe. Sa voix est homogène sur toute la tessiture, ronde et bien projetée, offrant l’emportement nécessaire lorsqu’elle est outragée, et l’humour lorsqu’elle menace le Comte Belfiore d’un sécateur s’il lui venait l’envie de la tromper.
Ramiro est incarné par Théo Imart à la voix rare de contre-ténor-sopraniste. Si son jeu théâtral manque quelque peu d’engagement alors qu’il doit exprimer sa passion ardente pour Arminda, sa voix puissante, vibrante et agile se colore en fonction de sa fureur ou de son abattement. Moritz Kallenberg en Comte Belfiore est un ténor d’envergure. Son timbre riche se module en fonction des émotions exprimées, tour à tour fanfaron, dramatique ou comique. Sa silhouette longiligne séduit ou amuse et son engagement théâtral ne faiblit jamais. Rory Carver n’a pas l’âge du rôle du Podestat mais son incarnation du personnage, très souvent dépassé par les événements, demeure pleine d’humour. Sa voix manque d’une certaine projection ce qu’il pallie par une interprétation comique haute en couleurs.
Dans un premier temps, le public savoure le timbre riche de la voix parlée de Sreten Manojlović présentant la soirée. Il dispose d’une palette de couleurs très variée qu’il déploie dans son air « Con un vezzo all’Italiana », cherchant quel type d’homme (italien, français ou anglais) pourrait séduire Serpetta. Sa voix, plus fragile dans le grave, offre cependant une certaine vaillance à débiter le texte à la vitesse exigée par William Christie.
Ce dernier entraîne l’orchestre dans un tempo soutenu pour une interprétation contrastée et brillante communiquant un plaisir manifeste que le public accueille avec enthousiasme.