BBC Proms, le concert des sons harmonieux
Hommage
à son ami le compositeur américain Morton Feldman, Twill
by Twilight (1988) du compositeur Tōru Takemitsu ouvre le
programme de ce concert, sous la direction de Tadaaki Otaka.
Le titre de l’œuvre, qui évoque à la fois le tissu sergé
(twill) et le crépuscule, se retrouve dans la construction
d’un mouvement unique, entrelacs de motifs récurrents, féeriques
et éthérés, dont les cuivres donnent la couleur principale.
L’atmosphère légère créée par cette première œuvre se poursuit avec la première mondiale de The Moon du compositeur gallois Huw Watkins qui a souhaité mettre en musique « le sentiment d’émerveillement que nous associons à la Lune et à l’espace ». La flûte et le hautbois sont essentiels pour exprimer par de courtes notes répétitives les pulsations d’un vaisseau spatial. Cette ouverture onirique prépare l’arrivée du Chœur National du Pays de Galles de la BBC. Après l’alunissage, quatre poèmes de Shelley, Larkin et Whitman traitent de la Lune sous ses formes poétiques, de sa pâleur de demoiselle à sa luminosité et sa dimension sacrée. Les couleurs du final rappellent quelque peu l’Adagio pour cordes de Samuel Barber.
Les figures de style propres à chaque poème trouvent leur écho dans le chœur, par un dialogue entre voix masculines et féminines, des nuances forte ou piano minutieusement choisies en fonction des termes, le tout dans un détachement syllabique clair et efficace. Huw Watkins, arrivé sur scène, est longuement ovationné pour cette première. Par son rythme sur certaines mesures, The Moon est un judicieux préambule aux Danses polovtsiennes extraites de Prince Igor de Borodine, qui achèvent le programme.
S’intercalant longuement entre ces rythmes similaires, Les Cloches de Rachmaninov (1913) ouvrent la deuxième partie de concert. Le chef Tadaaki Otaka propose une ouverture enlevée et légère. Trois russophones se partagent les interventions solistes et font leurs débuts aux BBC Proms. Le ténor Oleg Dolgov, pour sa seule intervention, déploie un timbre lumineux, dont les aigus transmettent l’insouciance et la légèreté du premier mouvement évocateur de l’enfance, des clochettes et des luges. Sa voix est toutefois un peu couverte par l’orchestre, dont les violoncelles déploient un vibrato généreux.
La soprano galloise Natalya Romaniw, aux origines ukrainiennes, assure un détachement précis des syllabes, un vibrato assuré sur les aigus les plus hauts, et une douceur enveloppante à l’évocation des rêves de la jeunesse. Le baryton ukrainien Iurii Samoilov, à qui revient la plus longue intervention, déploie suffisamment de chaleur dans ses aigus. Les mediums sont efficaces, et le passage des aigus aux graves se fait sans difficulté.
Le chœur formé par le Chœur National du Pays de Galles de la BBC et le Philharmonia Chorus excelle dans la prononciation du russe et assure une projection puissante permanente, les voix masculines portant dans leurs graves la menace du troisième mouvement à la thématique guerrière. L’ensemble choral se maintient pour les entraînantes Danses polovtsiennes de Prince Igor. Énergiques ou doux à souhait, les timbres ne se perdent pas dans la vélocité requise par la plupart des mouvements. Les altos se distinguent dans la Danse des jeunes filles par leur douceur veloutée. L’orchestre parachève le travail choral. Clarinettes et hautbois rivalisent d’agilité, les percussions résonnent avant le mouvement de Danse générale. Les cordes à peine frôlées par les archets assurent une cavalcade légère et étourdissante avant la Danse des hommes, avant les applaudissements assourdissants du public.