La Belle Hélène se fend la poire au sabre laser à l’Opéra des Landes
Bicentenaire Offenbach oblige (le compositeur est né en 1819), l’Opéra des Landes à Soustons donne cette année La Belle Hélène, dans une production explosive et hilarante : vécue comme telle par le public nombreux et fidélisé chaque été depuis 2001 autour d’un opéra célèbre du répertoire. Olivier Tousis, metteur en scène et fondateur du festival, saisit les mille possibilités offertes par Offenbach de faire rire le public ravi. Le lever de rideau dévoile d’emblée des décors ainsi qu’une scénographie recherchés, qui se prolongent dans les costumes et les accessoires. Dans un style grec à la fois antique et futuriste (voire même sur une planète inconnue, comme le suggèrent les deux lunes au firmament du dernier tableau), ambiance fluo et rave party, les références populaires sont nombreuses et bien amenées : costumes et maquillages rappelant Le 5e élément de Luc Besson, sabres lasers pour les deux Ajax et le bouillant Achille, le gant du super vilain Thanos de l’univers Marvel pour Agamemnon, il y en a pour tous les goûts, y compris avec toutes sortes de ballons en forme de fleurs, de fruits, d’oiseaux, et même d’haltères !
D’autant que chaque personnage est campé par son interprète, aussi bien physiquement que théâtralement. Frédérique Varda est une Hélène faussement modeste, élégante et sensuelle (elle porte d’ailleurs à merveille, au deuxième acte, une robe rappelant sans équivoque celle de Mireille Darc dans Le Grand Blond avec une chaussure noire, et l’effet sur le public s’en fait sentir) ! Elle compense, par une diction irréprochable, une technique trop appuyée sur la gorge et une émission très serrée.
Marc Souchet assume avec aplomb le rôle du Roi des rois, lui donnant la voix de stentor au timbre brillant qui sied à son autorité. La noblesse et projection soutiennent l'articulation déliée de grands accents. Jean Goyetche, entre le baryton et le ténor (dans sa biographie, sa lyricographie hybride tout comme pour sa prestation vocale) produit un timbre très riche et des aigus impressionnants pour son Ménélas, naïf et bêta. Ils composent avec le Calchas de Matthieu Toulouse un trio désopilant. Celui-ci distille son potentiel comique avec bonheur tout au long du spectacle, faisant de chacune de ses apparitions l’occasion de moult fous rires dans l’auditoire. Grâce aussi à une voix parlée très théâtrale et une présence scénique, rehaussées d’une voix chantée très riche en graves et harmoniques.
Maela Vergnes est crédible en Oreste constamment ivre, portant à la fois la bêtise et l’énergie de la jeunesse, mais l'articulation devient de ce fait difficile à comprendre, malgré une voix souple et chaude. Clémence Levy (Parthénis) est tout aussi écervelée, mais absolument constamment et sans répit tandis que sa voix laryngée entraîne une diction aléatoire. Sa partenaire Anaïs de Faria propose une Léæna plus sobre mais non moins comique et d'une technique assurée, vocalisante. Enfin, Matthieu Justine campe un Pâris délicieux de fourberie et de séduction à la fois, formant un duo voluptueux avec Hélène. Il déploie en outre une voix richement timbrée, des aigus maîtrisés, une agilité et une longueur de souffle lui permettant d’offrir dans son dernier air un yodel digne des Tyroliens. Les deux Ajax (Fabio Sitzia et Fabrice Foison) et Achille (Thomas Marfoglia) jouent pleinement le trio d’éphèbes écervelés, montrant chacun le fort potentiel de jeunes voix qui ne demandent qu’à se développer.
Le Chœur de l’Opéra des Landes, dirigé par Frédéric Herviant, montre des difficultés de mise en place, dues en partie à la position du chef à jardin, qui les oblige à détourner le regard pour le suivre. Leur enthousiasme dépasse malgré tout les hésitations et leur engagement scénique apporte beaucoup au spectacle. Les deux petits rôles de Philocôme et Euthyclès sont tenus avec un aplomb certain par deux membres du chœur, Jo Cadilhon et Pascal Renaudin. Enfin, la direction de Philippe Forget, dynamique, est attentive aux choristes, mais pourrait laisser plus de liberté aux solistes, pour faire vivre le texte encore davantage. Son orchestre, avec un musicien par instrument, insuffle énergie et légèreté à cette musique si célèbre et de nouveau célébrée.