Le Festival Jeunes Talents s'ouvre avec Emmanuelle Haïm, Cécile et Marine Madelin
Habituellement
donné aux Archives Nationales de Paris, pour l’instant en travaux,
le Festival Européen Jeunes Talents trouve refuge dans la lumineuse
Cathédrale Sainte-Croix-des-Arméniens, rouverte depuis jeudi
dernier. Édifiée au XVIIe siècle puis sujette à de nombreuses
transformations au XIXe, l’église entremêle de multiples
influences artistiques qui résonneront certainement avec les œuvres
du Festival. Le programme de ce concert mène ainsi l’auditeur à
l’époque de la fondation de l’édifice, mais vers des cieux
méditerranéens : le Seicento italien marqué par le stile
rappresentativo (style qui représente, illustre musicalement les caractères du texte). Afin de l’illustrer au mieux, les
musiciennes optent d’abord pour des madrigaux et chansons de
Monteverdi. Dans ces vers se jouent les joies et les peines d’amours retrouvées et perdues qui émergent pleinement des deux voix
féminines. Entremêlés de chaconnes instrumentales de Marini,
Piccini et Merula, les airs d’opéra de Cavalli et Monteverdi
viennent clore le concert et achèvent d’imprégner les oreilles
d’affects contrastés. Rompue au répertoire baroque, la
claveciniste et chef d’orchestre Emmanuelle Haïm accompagne et
introduit avec énergie les sœurs Madelin ainsi que les jeunes
instrumentistes du Festival.
Tantôt soliste, tantôt en duo, les deux sopranos franco-allemandes se distinguent nettement. Marine Madelin fait tinter une voix claire et légère, parfois presque irritée par les rudes accents des vers italiens. Les descentes de l’air Dolce tormento de Monteverdi se font larmoyantes et épousent pleinement les accents poétiques. Après quelques airs, sa voix gagne en épaisseur et en stabilité. Avec ferveur et force, elle appuie et soutient les dissonances de l’air « Che barbara pietà » issu de l’opéra Xerse de Cavalli.
Cécile Madelin se distingue par une voix ronde et solide qui attaque avec force les saccades des récitatifs. Les affects changeants se peignent tour à tour sur son visage et se font plus visibles dans les airs d’opéra. La soprano excelle en particulier dans l’air de Xerse et « Sento un certo non so che » de L’incoronazione di Poppea (Le Couronnement de Poppée composé par Monteverdi) dans lequel elle incarne un valet expressif et ingénu.
En duo, les deux voix s’allient et se complètent, signe d’une complicité et d’un travail commun de longue date. Avec noblesse et jeu nuancé, les violonistes Louise Ayrton et Sophie de Bardonnèche mêlent leurs variations au rythme envoûtant des chaconnes soigneusement interprétées par la gambiste Louise Pierrard et la luthiste Albane Imbs.
Suite aux applaudissements enthousiastes de la salle presque pleine, les musiciennes proposent un bis vif et frais, particulièrement adapté en ce temps chaud et dont Emmanuelle Haïm précise les paroles : « Buvons, buvons ce vin ! ».