Le doux tourment d’Anthea Pichanick au Théâtre Grévin
Dans une atmosphère intime et en compagnie des figures en cire du Théâtre Grévin, édifice symbole de la Belle Époque sis dans le fameux musée, les artistes du soir proposent des œuvres de Monteverdi, Cavalli, Strozzi et Legrenzi parmi d’autres, encore antérieurs. Ce programme, englobant une période d’un siècle et demi (XVIe -XVIIe siècles) est cependant en lien avec l’environnement théâtral par son expression d’une palette d'émotions.
Dimensions livrées par la voix d’Anthea Pichanick, son instrument puissant la distinguant de l’ensemble dès la première note, avec une sonorité qui remplit facilement la salle. Ondoyant entre contralto et mezzo, son timbre lui permet de traduire en musique les divers personnages et leurs états d’âme tels Arnalta du Couronnement de Poppée (rôle souvent confié à un contre-ténor), ou bien la Pénélope du Retour d’Ulysse dans sa patrie régulièrement interprétée par une mezzo-soprano. La lamentation de cette dernière dans l’air Di misera regina est l’apogée de la soirée : elle incarne fidèlement le personnage, avec force pathos et doléance, tout en articulant le texte d’une manière intelligible et émouvante (avec ses soupirs). Par ailleurs, elle dispose d’un vibrato élégant et d’une musicalité soutenue dans les airs lents, qu’elle exprime dans la mélodie descendante Si dolce il tormento de Monteverdi offerte pour bis et récompensée par des applaudissements fervents du public. Toutefois, dans les quelques passages mélismatiques et virtuoses du programme, Pichanick peine par manque de souffle et d'une voix âpre (qui ne s'étend toutefois pas à l’ensemble de son interprétation).
L’ensemble La Chimera de Buenos Aires offre un soutien harmonique et dramatique généreux tout en restant à l'arrière-plan. Au son doux du luth et du théorbe, Eduardo Egüez mène sa phalange avec assurance, tantôt dans l’accompagnement de la soliste vocale, tantôt en quelques interludes purement instrumentaux. Margherita Pupulin se distingue et surprend par son appui lourd de l’archet sur les cordes de son violon dans la sonate de Biagio Marini, telle une soliste du Concerto de Tchaïkovski. Elle possède une maîtrise technique comparable aux deux violes de gambe (Sabina Colonna Preti et Carlotta Pupulin), avec un jeu très musical dans leurs parties solistes respectives qui fait regretter un manque de présence sonore.