Sandrine Piau et Tim Mead enchantent le TCE avec Haendel
La salle du Théâtre des Champs-Élysées est quasiment pleine pour écouter Sandrine Piau et Tim Mead interpréter certains des plus beaux airs de Haendel, accompagnés par l’orchestre Le Concert d’Astrée sous la direction de la pétillante Emmanuelle Haïm. Le récital parcourt plus de vingt années de la carrière de Haendel, depuis Aci, Galatea e Polifemo (1708) jusqu’à Alcina (1735), en passant par la période faste de Giulio Cesare in Egitto (1723), Tamerlano (1724) et Rodelinda (1725). Le programme conçu pour ces deux « Desperate lovers » d’un soir met en lumière la large palette de sentiments amoureux dépeints par le compositeur à travers ses opéras, de la passion brûlante à la jalousie dévorante. Bref, un « best of » plus que séduisant.
Après quelques mots d’introduction exprimant l’émotion des musiciens de jouer à Paris, particulièrement après l’incendie survenu à Notre-Dame, Emmanuelle Haïm lance des festivités enjouées et virtuoses.
Tim Mead, le « contre-ténor roux » comme il se décrit lui-même sur les réseaux sociaux enchaîne les vocalises aériennes avec expressivité. Le léger air narquois visible sur son visage ne le quittera que lors des airs les plus dramatiques du récital, qui le verra émouvant et délicat au bord du Styx et des cordes plaintives, élégant et ovationné.
Sandrine Piau fait son entrée en scène pour un "Verso già l'alma col sangue" (Acis et Galatée) déchirant. La soprano, les yeux fermés et le visage crispé, interprète avec intensité et nuances, passant avec habileté de la plainte à la rage, magnifiant l’air de ses aigus puissants. Bouleversante lorsqu’elle se glisse dans le rôle de Cléopâtre, elle est acclamée pour ses vocalises virtuoses, alterne aigus délicats et puissants, a cappella jusqu’à un vibrato final étouffé et jusqu’au climax de Tamerlano.
Les deux chanteurs se font un premier adieu, en se regardant pudiquement comme deux amants timides. La douceur de Tim Mead et la puissance de Sandrine Piau offrent un contraste délicieux, leurs voix s’entremêlant à merveille. Les deux chanteurs reviennent ensuite enchanter de leur complicité (de l’émotion jusqu’à un léger rire, jovial Scherzando) sous un tonnerre d’applaudissements et de bravos récompensés par un rappel plutôt humoristique, au cours duquel Emmanuelle Haïm joue les narratrices : « Ils se sont aimés toute la soirée … maintenant ils vont se détester ! » S’ensuit une querelle musicale délicieuse où Tim Mead et Sandrine Piau rivalisent d’éclat, avant de se réconcilier sur un air apaisé de Giulio Cesare in Egitto et de conclure ainsi une soirée riche en émotions servie par des artistes généreux à la technique irréprochable.