Ce concert donné au sein de l’Amphithéâtre de la Cité de la Musique à la Philharmonie de Paris s’inscrit dans le cadre du week-end Lieder organisé du 25 au 27 janvier dont Ôlyrix poursuit la recension.

Andrè Schuen n’est certes pas un inconnu pour le public français. À l’opéra, il fut notamment Don Giovanni récemment à l’Opéra National de Lorraine à Nancy. Son dernier CD consacré à Schubert paru l’an dernier chez CAvi-Music, avec Daniel Heide au piano, a reçu un accueil enthousiaste (il comprend d'ailleurs plusieurs des Lieder interprétés à la Philharmonie). Élève pour le Lied et l’Oratorio de Wolfgang Holzmair et de Brigitte Fassbaender, Andrè Schuen impose d’emblée sa personnalité et sa trajectoire. Pour ce récital, il choisit le Voyage d’Italie comme fil conducteur en faisant dialoguer Franz Schubert avec Franz Liszt (Les Trois sonnets de Pétrarque) et les mélodies de Paolo Tosti. Originaire du Tyrol italien, amoureux de ses origines, le baryton inscrit par ailleurs au programme trois chants populaires sur des textes en langue ladine (langue romane particulièrement rare) parlée essentiellement dans les Dolomites et couramment par Andrè Schuen. La seconde mélodie Nous les Salvans de Jelepe Frontull évoque de façon souriante voire même martiale les montagnes et les prairies de cette superbe région.

Avec son timbre sombre aux couleurs mordorées, ce soutien sans faille au niveau du souffle, cette aisance dans les nuances, il ne recule pas devant un certain détimbrage de la voix, mais toujours en situation et seulement par esprit de musicalité. L’aigu -notamment chez Tosti- apparaît solide et bien projeté. Son approche globale ne renie pas une certaine forme de théâtralité, mais elle sait se faire aussi presque caressante, profondément sensible. L’intelligence, la compréhension intime du texte et de la musique animent chaque morceau, notamment chez Schubert : Der Wanderer an den Mond/Le voyageur à la lune tout empli d’une belle autorité naturelle, Nachtsuck/Nocturne au legato plein de valeureux contrastes, Der Wanderer/Le voyageur, si concordant avec la thématique abordée. Dans les Trois Sonnets de Pétrarque, Andrè Schuen révèle un tempérament plus ardent encore, plus opératique, tandis qu’il aborde de toute sa fougue les Quatre chansons d’Amarante de Tosti, sur un texte très lyrique de Gabriele d’Annunzio.

Daniel Heide se veut bien plus qu’un soutien au piano. La complicité des deux artistes s’avère évidente, fusionnelle. Les grands interprètes actuels et incontournables du Lied étant déjà avancés en carrière et même pour certains en âge, il reste à souhaiter -il en possède assurément les atouts, les qualités requises– qu’Andrè Schuen suive la voie royale tracée par ses prédécesseurs et s’affirme en ce domaine comme un interprète majeur de demain.