Féerique nuit d'été pour débuter l’année à Dijon
En cette période froide et remplie de tensions diverses, l’Orchestre Dijon Bourgogne propose deux œuvres aux inspirations opposées mais
toutes deux réconfortantes et aux couleurs assurément romantiques,
dans sa maison associée, le chaleureux Auditorium de Dijon.
La première partie de soirée fait entendre le Stabat Mater de Franz Schubert (1797-1828). Composé en 1816 (mais créé de manière posthume, en 1833 à Vienne), cet oratorio en hommage à la Mère plaignant son Fils dévoile la personnalité et le style de ce jeune compositeur, alors seulement âgé de 19 ans. Quoiqu'imparfaite et parfois surprenante, l’œuvre démontre ses véritables talents d’écriture, une certaine maturité et son émancipation, notamment grâce au choix du poème signé Friedrich Gottlieb Klopstock, plus centré sur le Christ que sur sa Mère. Sous la direction ample et engagée du chef hongrois Gergely Madaras, l’Orchestre Dijon Bourgogne et le Chœur de l’Opéra de Dijon font ensemble preuve d’une agréable homogénéité et d’un travail d’équilibre. Les couleurs feutrées du chœur sont souvent très appréciables, particulièrement les pupitres féminins, dont la tendresse du « Wer wird Zähren » (Qui ne pleurera pas des larmes de compassion ?) est palpable. Malgré ses apparences, cette œuvre reste difficile à défendre sans succomber à une certaine lourdeur, nécessitant une constante recherche d’équilibre entre recueillement et exaltation. Les fugues en sont sans doute les parties les plus difficiles pour les instrumentistes et choristes : s'ils pourraient encore gagner en vivacité et en clarté dans le contrepoint sur « Erben sollen sie am Throne » (Ils doivent hériter du trône), l’interprétation reste équilibrée et juste, surtout lors de l’étonnant chœur final fugué aux Amen indéfiniment vocalisés.
Cet oratorio est également l’occasion de découvrir deux jeunes chanteurs, à commencer par la soprano Sandra Hamaoui, dont le timbre moelleux possède une projection directe et sûre. Sa première intervention exprime avec conviction les douleurs de Marie. Le ténor Kaëlig Boché fait à son tour entendre un timbre velouté qui emplit aisément la salle lors de ses interventions solistes, souples et expressives, au texte particulièrement soigné. Cela étant, sa modestie dans la quête d’équilibre lors des duos ou trios est sans doute un rien exagérée, sa partie de voix intermédiaire étant facilement cachée. Le trio de solistes est complété par le baryton Christian Immler, à la présence élégante et noble tant dans le maintien que dans la voix et aux graves particulièrement chaleureux.
La seconde partie de concert présente une œuvre profane, au sujet féerique : Le Songe d’une nuit d’été de Félix Mendelssohn (1809-1847). Celui-ci est tout aussi jeune (17 ans) lorsqu’il compose en 1826 l’ouverture inspirée de l’œuvre de Shakespeare. Il écrit ensuite le reste pour une musique de scène à la demande du Roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV en 1843. Dès le mystérieux début, les musiciens se montrent en belle forme, réussissant à instaurer un climat féerique voire irréel, propre à l’écriture de Mendelssohn, par son traitement des timbres, des nuances et des harmonies. Sous l’impulsion constante du chef, qui ne permet aucun moment de relâchement, l’attention de chaque musicien est vigilante, les frémissements des violons lors de l’ouverture paraissant tout de même marcher sur des œufs, surtout lors de la réexposition, et les cuivres lâchant quelques rares petits couacs bien vite dissimulés. Le Scherzo est frénétique sans jamais déraper. Le Chœur des Elfes est une nouvelle occasion d’apprécier les femmes du chœur – qui, dans la recherche d’équilibre avec les solistes, sont légèrement à la traîne au début de leurs interventions –et la belle voix de Sandra Hamaoui, dont le velouté est complété par la voix ronde de la soprano Linda Durier. Enfin, la direction de Gergely Madaras est sans doute trop active pour le Nocturne –très beau chant des cors–, le climat créé y paraissant un rien trop ensoleillé mais la célèbre Marche nuptiale faisant toutefois contraste, fière et majestueuse pour mener le public au bord de l’envoûtement lors du Finale.
C’est non sans une certaine malice que le Directeur musical offre en bis l’exposition de la joyeuse Marche nuptiale, saluant son public dans un grand sourire, le même que celui rivé sur le visage de la plupart des spectateurs.