Le Barbier de Séville flamboie et réchauffe les cœurs à Saint-Étienne
Transporté dans une Espagne aux couleurs chaudes et aux lumières tamisées, le public stéphanois redécouvre l’histoire d’un Figaro qui joue à Cupidon. Cette production, mise en scène par Pierre-Emmanuel Rousseau, avait fait l’objet d’un compte rendu sur nos pages à sa création en octobre dernier. Sa fraîcheur et son panache sont de retour, soutenus par une distribution entièrement renouvelée.
Les jeunes héros, malicieux et enjoués (Rosina, Almaviva et Figaro), se confrontent à des personnages plus vieux, comme usés (Bartolo, Basilio et Berta), dans un ancien palais privé d’issue, dont les hautes grilles évoquent la cage d’un oiseau où se trouve enfermée Rosina. Les amants s’en échapperont seulement à la toute fin… par le plafond. Les chanteurs, dont les costumes s’inspirent de l’Espagne de Goya, évoluent avec fluidité, proposent une interprétation investie et rendent compte avec finesse de l’humour rossinien. Si les parties solistes sont emmenées avec soin, les ensembles sont tout aussi convaincants, malgré la difficulté liée au rythme frénétique de la musique, comme dans le quatuor "La Testa vi gira" (la tête vous tourne) ou dans le trio "Zitti, zitti, piano, piano" de l’acte II.
Le baryton Daniele Terenzi, en Figaro, interprète un Barbier « di qualità » (acte I), à la voix puissante. Ses interventions vocales se caractérisent par une diction efficace et une technique sûre. Son jeu théâtral est plein d’allant et d’une drôlerie efficace, notamment quand il se prend pour un guitar hero aux côtés du comte Almaviva. Ce dernier est chanté par le ténor Matteo Roma, au timbre clair et généreux. L’interprète oriente habilement ses lignes vocales et projette ses notes aiguës avec netteté, comme dans le "Qual trionfo inaspettato!" (Quel triomphe inattendu, acte II).
Dans le rôle de Rosina, la mezzo-soprano Reut Ventorero conduit ses vocalises d’une voix puissante et très agile. D’une grande habileté dramatique, elle sait se montrer tantôt orgueilleuse, tantôt charmeuse et espiègle. Elle rivalise d’ingéniosité pour duper son monde, en premier lieu son tuteur, Bartolo, incarné par le baryton Frédéric Goncalves. D’une voix claire, aux médiums joliment vibrés, ce dernier est bien déterminé à contrarier le rapprochement des deux amants.
Pour contrôler la jeune Rosina, Bartolo reçoit l’aide du maître de musique Basilio, interprété par Vincent Le Texier. Le baryton est à la fois convaincant et inquiétant dans ce rôle d’homme décrépit, à la gestuelle instable et à la morale douteuse. Le chanteur modifie avec subtilité l’intonation de sa voix chaleureuse et dense, sans sacrifier l’intelligibilité du texte, comme dans le fameux air "La Calunnia è un venticello" (l'air de la Calomnie au premier acte).
Les rôles secondaires de Berta et Fiorello, interprétés respectivement par la mezzo-soprano Svetlana Lifar et le baryton Ronan Nédélec, complètent efficacement la distribution. La première dispose d’une voix large aux médiums sonores, tandis que le second offre le plaisir d’une voix généreuse et bien conduite.
À 25 ans, le jeune chef italien Michele Spotti dirige avec dynamisme l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire. Dès l’ouverture de l’opéra, les musiciens offrent un son homogène, dont ils savent varier l’intensité pour gagner en contraste sonore. Les interventions efficaces et bien structurées du Chœur maison contribuent à la réussite de cette production colorée.