Volcanique Pretty Yende à l'Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand
Entre deux représentations (en français) au Metropolitan Opera de New York (où elle a été Leïla des Pêcheurs de Perles en novembre dernier, et où elle sera Marie dans La Fille du Régiment de Donizetti en février prochain), Pretty Yende offre un véritable concert de gala au public clermontois. Un concert en forme de récital qui, parce qu'il consiste en un dialogue piano-voix, s'inscrit d'emblée dans une ambiance intimiste (dans une salle qui ne l'est pas moins). Et le programme musical est alléchant : il convoque aussi bien Liszt et Debussy que Rossini, Bellini et Donizetti.
Des compositeurs de renom, donc, mais pas dans leurs grands airs d'opéras. Ce sont au contraire des œuvres plus « confidentielles », mais tout aussi intéressantes et propices à la bravoure, qui sont mises en avant. C'est le cas de la pièce « La promesa », issue du cycle des Soirées musicales de Gioachino Rossini (d'où est tirée la célèbre « Danza »), ou encore de la mélodie « Vanne, o Rosa fortunata » de Bellini. Dans chacun de ces airs, Pretty Yende expose toute la beauté et l'éclat de son timbre, d'autant plus perceptible et délectable que la voix de la soprano ne doit s'affranchir d'aucun obstacle (ni fosse ni orchestre) pour se faire entendre à sa juste valeur.
Irréprochable de sensibilité et de sens dramatique
Vêtue d'une robe bleue scintillante aux voiles tombants, laissant ses épaules dénudées, la cantatrice aborde ensuite Donizetti et sa mélodie « L'amor funesto », un chant porteur de mélancolie et de désespoir pleinement restitués par une Pretty Yende faisant étalage d'une belle maîtrise des nuances (où l'on regrette toutefois que le piano ne soit pas davantage marqué). Dans l'air « Me voglio fa'na casa » (toujours Donizetti), énergie et pétillance vocale sont requises, et la la soprano n'a en rien à se forcer pour en faire preuve.
Pour clore la première partie du concert, le chant français s'invite au programme avec des poèmes musicaux signés Claude Debussy. Du « Beau soir » à l' « Apparition » en passant par la « Fleur des Blés » ou le « Clair de Lune », où les rimes croisées sont de circonstance, Pretty Yende est irréprochable de sensibilité et de sens dramatique, mettant en exergue toute la limpidité de sa ligne de chant. La maîtrise du français semble moins évidente que celle de la langue italienne, et l'on peut regretter que le vibrato soit parfois peu marqué dans le medium. Le chant captive toutefois autant qu'il transporte. Les aigus et l'investissement vocal total (avec une projection idéale) sont à la mesure de l'ovation bien méritée avant l'entracte.
L'art lumineux de la vocalise
Comme la première, la deuxième partie du concert s'ouvre avec Rossini. Dans « La regata veneziana », série de trois canzonetas, Pretty Yende, désormais vêtue d'une robe rouge dentelée, use de toutes les ficelles de sa palette vocale. De l'art lumineux de la vocalise à la mobilisation d'une large tessiture, le tout soutenu par une réelle maîtrise du souffle : l'effet est en tous points réjouissant. Viennent ensuite Franz Liszt et ses « Trois sonnets de Petrarque », davantage connus dans leur transcription pour piano seul (inscrite dans le cycle des Années de Pèlerinage). Dans cette version pour piano et voix, Pretty Yende est de nouveau saisissante d'investissement vocal et dramatique. C'est le cas notamment dans l'air « I vidi in terra angelici costumi », marqué par des aigus propres à suspendre le temps, et par une manière remarquée de dire la mélancolie par le chant. La performance du pianiste italien Michele d'Elia y est à souligner, pleine de sensibilité et d'intelligence musicale, s'inscrivant en symbiose avec la partie vocale.
Pour clore cette belle soirée, Pretty Yende, très applaudie, régale le public des "tubes" que sont « Una Voce poco fa », du Barbier de Rossini, et « O mio babino Caro » de Gianni Schicchi de Puccini, avant de se laisser aller à la fantaisie la plus totale dans le fameux « Art is calling for me » de l'Irlandais Victor Herbert. Un pétillant bouquet final, en adéquation avec une jeune cantatrice qui est désormais bien plus qu'une étoile montante du chant : une soprano rayonnante au talent affirmé.