Joyce DiDonato en récital à Liège, stratosphérique bel canto
Sous la baguette du chef Paolo Arrivabeni, l’Orchestre maison accompagne avec exigence la voix superstar, à la fois survoltée mais très précise. Entre la liberté et la rigueur d’une musique classique et décontractée. La chanteuse sait décidément soigner ses entrées. Le suspense a le temps de monter durant l'Ouverture de Semiramide (Gioachino Rossini) et elle s’offre à l’auditoire impatient avec un sourire solaire. La première chose visible chez Joyce DiDonato semble être cette sorte d’irradiation lumineuse, quasi palpable, entre aplomb, confiance et joie. Elle sera également la première chose audible, dès Stella di Napoli – Ove t’aggiri, o barbaro de Giovanni Pacini : un début sur les chapeaux de roues. Ces airs (tirés de son album éponyme) continuent de déployer la palette de couleurs passionnantes d'un bouquet d’air du bel canto napolitain.
Déroutante, et bien loin de l’image de diva, la mezzo semble jouer de son prestige avec une attitude chipie, presque insolente mais surtout attachante. Jusqu'à l'explosion de couleurs et de sentiments, jusqu’à l’ivresse, les aigus restent acidulés, presque acides mais pour renforcer à dessein un timbre juvénile : la chanteuse déclame et colore les mots les plus simples avec empathie.
Sur un registre plus calme, elle déploie le tragique "O di sorte crudel", extrait des Nozze di Lammermoor (ni Le Nozze di Figaro de Mozart, ni Lucia di Lammermoor de Donizetti, mais l'opéra composé par le napolitain Michele Enrico Carafa en 1829) :
Le récital n'en conserve pourtant pas moins une dimension ludique : la chanteuse jouant visiblement à s'effacer pour mieux renaître sous les identités requises par chaque aria. Par son travail de recherche, d’appropriation, de caméléon, elle adapte aux rôles ses couleurs, visages et phrasés. Dans cette liberté, Joyce DiDonato s’amuse même à suivre une intrigue à travers différents opéras entre Les Noces de Figaro de Mozart ("Giunse Alfin il momento") et Le Barbier de Séville de Rossini ("Una voce poco fa").
Si le récital est principalement chanté en italien, Joyce DiDonato n'oublie pourtant pas le rôle de son dernier triomphe : Les Troyens d'Hector Berlioz avec "Je vais mourir… Adieu, fière cité…" au français subtil et solennel. Tragique et croissante, l’aria révèle la voix riche, ronde et fine avec une lenteur glissante et élévatrice pour l'air ultime de Didon.
Le tour de chant se referme sur le climax technique du "Tanti affetti…" (La Dame du lac de Gioachino Rossini). La virtuosité ne perd rien de son panache et de sa force cathartique, incarnée par une Joyce DiDonato les larmes aux yeux.