Un Singin' in the Rain au beau fixe au Théâtre du Châtelet !
Transformé en l'espace d'une décade en temple de la comédie musicale, le Théâtre du Châtelet, dont le triomphal Un Américain à Paris continue toujours sa conquête de l'Amérique, vient de réussir un second coup en envoyant à New York pour la saison prochaine son Singin' in the Rain. Pour l'instant, ce bijou se rejoue en son antre. Et hier, on n'en a pas perdu une goutte.
Film culte de Gene Kelly et Stanley Donen sorti en 1952, Singin' in the Rain repose sur un scénario drôle et subtil, évoquant l'agonie du cinéma muet dans l'Amérique décomplexée des années 20. Du monument cinématographique aux airs canoniques et aux acteurs-danseurs-chanteurs irremplaçables succède ici une production finement taillée servie par une distribution des plus remarquables que le Châtelet a bien eu raison de conserver d'une saison à l'autre.
Clare Halse (Kathy Selden), Dan Burton (Don Lockwood) et Daniel Crossley (Cosmo Brown) © Patrick Berger / Théâtre du Châtelet
Sans jamais souffrir de la comparaison avec son illustre prédécesseur Gene Kelly, Dan Burton impulse à Don Lockwood une classe et une énergie rompue aux difficultés du rôles. Son « Singin' in the Rain » est magique et ne manque pas de dessiner dans le public des sourires de nostalgie. Le couple formé avec la Kate Sheldon de Clare Halse opère d'emblée. Surdouée en danse, la belle revêt son personnage d'un charme certain quoiqu'un peu lisse.
Sublimés par un casting de choix, les rôles secondaires sont très loin d'être en reste. Daniel Crossley campe ainsi un Cosmo Brown diablement acrobatique, enchaînant le difficile « Make 'em laugh » à un rythmé effréné malgré un souffle en peine. La grande réjouissance se situe sans doute à l'endroit d'Emma Kate Nelson. L'Anglaise incarne à la perfection une Lina Lamont stupide et tête-à-claque. Son drolatique «What’s wrong with me ?» se clôt ainsi sous des rires amusés.
Dan Burton (Don Lockwood) et Emma Kate Nelson (Lina Lamont) © Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet
Les chorégraphies du magistral Stephen Mear sont à se damner, tandis que dans une effusion de paillettes, de robes frangées et de tenues chics et frivoles, les magnifiques costumes d'Anthony Powell achèvent de nous en mettre plein la vue. Artisan d'un répertoire éclectique, l'Orchestre PasdeLoup, placé sous la direction Stephen Betteridge, excelle.
C'est avec des procédés scéniques simples mais efficaces que Robert Carsen décloisonne les frontières de l'espace scénique et parvient ainsi à introduire le public -qui s'en donne à cœur joie- dans l’œuvre. Avec ses différents niveaux de lectures, son Singin'in the Rain n'oublie pas au passage de multiplier les hommages au théâtre. Tout en s'emparant du langage cinématographique, le metteur en scène étoffe une palette d'infinies nuances allant du blanc au noir qui prendra au moment venu des turbulences chromatiques bienvenues et bien vues. Une ode à la joie intacte dont on ressort revigoré !
Attention, il ne reste plus beaucoup de places pour Singin' in the rain : dépêchez-vous de réserver !
(Cover : © Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet)