Immaculée Résurrection à l’Arsenal de Metz
Des
Enfers à la Résurrection, du bouillonnant Lucifer à la lumière de
Saint-Jean, La Risonanza travaille les corps et les mots, la
souplesse des récitatifs et les arabesques vocales des arie da
capo (airs avec reprise initiale), le plateau vocal étant
soutenu par des instrumentistes aussi soucieux du détail que des
effets. La foi s’exprime d'abord avec retenue puis gagne en vigueur
par le hautbois, avant d’éclater dans la puissance démonstrative
des cuivres de l’ouverture. Tout le cheminement spirituel des
personnages, de Marie-Madeleine à Saint-Jean, est rehaussé grâce
au soin porté par chaque soliste à faire correspondre la voix
humaine et la voix de l’instrument.
La douleur de Marie-Madeleine est travaillée par la flûte à bec et la viole de gambe, qui exprime les craintes de la disciple. Le clavecin accompagne le soutien de Saint-Jean envers ses condisciples, puis, avec le théorbe, l’achemine vers « la Mère heureuse et le Fils glorieux ». La « barque fragile » semble « prête à sombrer » sous la vigueur de la tempête des coups d’archets, avant que l’ « espoir » qui suit la tempête ne soit renforcé par le hautbois. Le traverso (flûte traversière baroque) mime la « tourterelle » qu’évoque Saint-Jean. La Résurrection finale est sublimée par les cuivres, radieux, scintillants, éclatants de lumière.
L’absence de mise en scène n’empêche pas les cinq chanteurs d'incarner leurs personnages, par leur prestation vocale mais également grâce au choix minutieux de l’habillement, sombre pour le Lucifer de la basse Renato Dolcini, paré de dorures pour la chaleur de Marie-Madeleine sous les traits de la soprano Raffaella Milanesi. La soprano Francesca Cassinari est un Ange, forcément de blanc vêtu, dont la caractérisation immédiate se prolonge dans la voix. Trilles spontanés et aigus lumineux rejoignent une diction ferme comme son jeu de scène, pointant du doigt le « monstre arrogant » qu’est Lucifer.
Raffaella Milanesi en Marie-Madeleine monte ses gammes en un tour de souffle, dore son timbre, dépasse la lettre et transmet l’esprit de « O quale spira grazia » (Ah, que son visage respire de grâce consolante) dans un timbre pur. Les graves de l’alto Francesca Ascioti rendent le discours de Marie Cléophas (la tante de Jésus, qui était présente aux côtés de Marie près de la Croix). Narrant la scène de la Crucifixion, elle rapporte l'épuisement et la soif de Jésus par un détachement précis de chaque syllabe, presque ralentie, et des graves légers. Plus tard, ces graves gagnent en vigueur sur « sei mia vita, sei mio ben » (tu es ma Vie, mon Amour), avant une ornementation sur l’aria da capo « Vedo il ciel » (Je vois le ciel), tout en trilles et ponctuations.
Ce travail sur les arie da capo repose aussi sur la voix du ténor Krystian Adam, solaire Saint-Jean au timbre réconfortant, doux et chaleureux, porteur d’espoir et de paroles de bonté, tout aussi à l’aise dans les récitatifs. Par contraste de timbre, mais assurément pas de qualité, Renato Dolcini est un Lucifer carnassier, aux graves très solides, qui accentue à propos la « guerre », enjoignant par ses trilles les « puissances redoutables de l’Érèbe » à s’armer de « vaillance » ou se promettant d’ « éteindre » (smorzerò) les « flambeaux » de la parole divine. Sa dernière confrontation avec l’Ange arme son timbre d’une férocité sanguine. Complètement absorbé par le personnage qu’il incarne, Renato Dolcini ferme d’un coup sec sa partition et se rassoit en soufflant encore de rage ! Il s’échappe momentanément du personnage pour rejoindre les quatre autres solistes dans les parties chorales, qui présentent une très belle homogénéité, avant de manifester les résonances propres à chacun, sans jamais empiéter sur les autres.
L’ovation du public, qui se voit offrir en bis le dernier air choral « Diasi lode » (Que loué soit au Ciel), est la dernière preuve que La Risonanza porte décidément très bien son nom.