Le Requiem de Fauré : chaleur humaine à Fénétrange
La majestueuse collégiale Saint-Rémi de la cité médiévale promet une acoustique optimale. Confirmation est faite dès la première résonance de la flûte épurée et infiniment douce du Prélude à l’après-midi d’un Faune de Claude Debussy. Michel Plasson dirige tout d’abord sans baguette, par de petits mouvements du poignet. Par la douceur de sa battue, il compose un Faune évoluant dans un univers onirique transcendé par la clarinette gracieuse, des violoncelles tendres, des cors dont le timbre sert pleinement l’évocation de la nature.
Aux ovations du public succède un baiser de la main du chef envoyé à la flûtiste puis à tout l’Orchestre national de Lorraine, précédant une battue cette fois pleine de vigueur, baguette en main, pour la Symphonie n°1 en ut majeur de Georges Bizet. Une cascade de pizzicati apporte une couleur nostalgique au deuxième mouvement, puis l’énergie des rythmes est démultipliée pour l’allegro assurément vivace. Michel Plasson remercie cette fois en se déplaçant vers chaque famille d’instruments.
La chaleur qui se dégage d’une telle direction est conservée pour le Requiem de Gabriel Fauré. Le programme du Festival précise que Fauré écrivait lui-même en 1900 : « Le Requiem est d’un caractère doux comme moi-même ! » Il n’est effectivement point question ici d’évoquer la mort comme passage douloureux, mais comme espérance d’un au-delà heureux, portée au sommet du In Paradisum qui clôt l’œuvre. La version retenue pour ce concert est celle de 1899, avec baryton et soprano solo. Régis Mengus et le jeune Robin Lecompte remplissent ces rôles, soutenus par les Chœurs de la Grande Région préparés par Annick Hoerner.
Côté chœurs, la douceur règne, ponctuée de solennité. L’analyse minutieuse du texte donne l'articulation précise d’un latin parfaitement intelligible. Les timbres s’inscrivent dans la trajectoire profonde et intense des violoncelles de l’Introït. Les coffres se font plus puissants, puis plus mesurés pour le Kyrie. Les basses et sopranos opèrent leur jeu de contraste avec efficacité sur l’Offertoire, pour lequel l’orgue prolonge les voix. Le Sanctus est enveloppant, réconfortant et lumineux. L’orchestre d’où se détache la harpe, l’orgue et les sopranos composent un In Paradisum final rayonnant comme un soleil.
Le baryton Régis Mengus se déplace de l’aigu vers le grave sans difficulté. Le détachement des syllabes est d’une précision redoutable. L’intensité du Libera me se déploie dans de très beaux aigus forte rehaussés par les cors et les pizzicati. Le jeune soprano Robin Lecompte offre un Pie Jesu dont la diction est délicate sur les toutes premières syllabes. Le regard bienveillant de Michel Plasson semble avoir des effets magiques : l’articulation devient alors limpide, dans des aigus purs et de très bon augure pour la suite de la carrière du jeune chanteur.
L’ovation finale du public debout est unanime. La générosité et la chaleur de Michel Plasson ne se transmettent pas seulement dans la direction mais également dans la bienveillance, la joie de la transmission, en particulier envers Robin Lecompte au moment des saluts.
Très heureux et ému de célébrer un retour-anniversaire en Lorraine où il a commencé sa carrière en tant que directeur musical à Metz, Michel Plasson invite à réentendre In Paradisum, « une musique si simple, si belle, avec des voix fraîches », si le public « le permet ». Comment donc !