Un feu d’artifice verdien pour clore le Festival d’été de Vichy
Comment imaginer passer autre chose qu’une fantastique soirée lyrique lorsque, au programme des réjouissances, se présentent quelques-uns des plus grands « tubes » de Verdi, issus de Rigoletto (1851), La Traviata et Le Trouvère (1853). Composant la grande Trilogie populaire verdienne, ces trois opéras sont des chefs d’oeuvre de la maturité du compositeur, des mélodrames guidés par l’amour, la trahison et la vengeance. Leur musique est d’une exigence absolue pour les voix, requérant virtuosité, endurance et maîtrise du souffle (entre autres). Un répertoire exigeant auquel n’hésitent pas à se frotter les jeunes chanteurs, tels ceux présents en ce concert de prestige à Vichy.
C’est d’abord le cas d’Aude Extrémo. En Azucena comme en Maddalena, cette dernière confirme qu’elle est bel et bien une valeur sûre de la scène française. L’ancienne élève de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, qui connaît Vichy pour y avoir notamment chanté Olga dans Eugène Onéguine en 2011, est une mezzo-soprano au timbre chaud et profond. Son « Stridde la vampa ! » est absolument convaincant, porté par le fil d’une voix vibrante particulièrement rayonnante dans les aigus. Dans Rigoletto, sa Maddalena est non moins brillante, avec de surcroît un jeu particulièrement investi, qui en ferait presque oublier qu’il n’y a pas de mise en scène (version de concert oblige).
Autre voix féminine du soir, Gabrielle Philiponet offre une prestation globalement réussie, elle aussi. La soprano française, familière des lieux (elle s’y était produite en Corina dans le Voyage à Reims de Rossini en 2008), est d’abord une Violetta pleine de fraîcheur et de sensibilité. Vocalement, la projection semble perfectible, ce qui n’enlève rien à l’éclat d’aigus pleins de relief. La Gilda de l’Albigeoise est encore plus probante, pleinement imprégnée de l’expression tragique du rôle, avec un timbre idéalement cristallin dans la scène finale de l’oeuvre.
Côté voix masculines, l’Italien Federico Longhi est très intéressant en Rigoletto. Dans un rôle qu’il connaît pour l’avoir déjà interprété à maintes reprises (Linz, Nice, Vérone), le baryton présente une ligne de chant homogène à la tessiture large, avec des graves ardents (même si le souffle est parfois un peu court) et des aigus bien maîtrisés. Le Giorgio Germont du chanteur italien est également remarquable de caractère et de charisme.
Un réjouissant quintette vocal
Kévin Amiel, lui, est d’abord Alfredo puis le Duc de Mantoue, au cours cette soirée de gala. Dans les deux rôles, le jeune ténor français présente un timbre lumineux, offrant des aigus limpides et remarquablement bien tenus, comme à la fin d’un admirable « Oh mio rimorso » (La Traviata). Les sons les plus graves sont projetés avec non moins de brio, soutenus par un solide medium.
Le dernier membre du quintette vocal du soir, François Lis, est une basse emplie d’autorité, dotée d’une ligne de chant claire et homogène. La voix est vibrante et n’a guère de difficulté à se déplacer sur l’échelle des registres, même si la projection est parfois restreinte. Celui qui tient le rôle de Zuniga dans Carmen à Bastille saison après saison (à réserver ici pour la saison à venir) campe en tout cas un puissant Ferrando, avec un art aiguisé du staccato et une belle maîtrise des nuances. Son Sparafucile est également appréciable de noirceur et de charisme.
Dirigé par l’Italien Francesco Pasqualetti, en qualité de chef invité, l’Orchestre d’Auvergne (40 musiciens sur scène) effectue de son côté une prestation teintée du dynamisme et de la fougue requis par le répertoire verdien. On apprécie tout particulièrement le respect strict (mais pas surjoué) des nuances et cette manière de passer de la séduction (La Traviata) au bouillonnement (fin de Rigoletto) avec maîtrise et subtilité. Il n’en fallait pas moins pour assurer le succès d’une belle soirée et voir se clore sous un tonnerre d’applaudissements le nouveau Festival d’été de Vichy, qui en appelle déjà beaucoup d’autres.