À Tourcoing, un Requiem hommage à Jean-Claude Malgoire
Réunissant un vaste public au sein du gymnase Léo Lagrange de Tourcoing (gratuit, ce spectacle est l’objet d’une initiative culturelle), le concert est imprégné d’une atmosphère particulière, portée par l’émouvant hommage rendu à Jean-Claude Malgoire, à la tête de l’Atelier Lyrique de Tourcoing depuis 1981 et disparu soudainement le 14 avril 2018. Par-delà les discours et l’œuvre au programme, il se manifeste par une présentation de la version préférée (et certes contestée) de l’ouvrage tel que celui-ci le défendait. Se joint en effet au manuscrit de Vienne de 1791 le Libera me de Sigismund von Neukomm composé à Rio de Janeiro en 1821 et dont Jean-Claude Malgoire soulignait la « fidélité à l’esprit comme à la lettre » au Requiem mozartien.
Le Chœur Régional des Hauts-de-France retrouve à cette occasion les musiciens de La Grande Écurie et la Chambre du Roy, accompagnée d’un bouquet de jeunes voix : Clémence Tilquin, Pauline Sabatier (remplaçant Lea Desandre, souffrante), David Tricou et la basse Guilhem Worms. L’interprétation est portée par une belle énergie au niveau des solistes, du chœur et de l’orchestre, les différents caractères de l'ouvrage étant soulignés avec sensibilité.
La soprano Clémence Tilquin montre une voix bien ondulée, ronde, parfois saillante et très vibrée dans certains aigus emportés. Limpide et souple, elle déploie des lignes dessinées au legato agréable (« Lux æterna luceat eis »). À ses côtés, Pauline Sabatier offre des parties intermédiaires soignées et justes, la voix légèrement vibrée et dotée d’un timbre ombragé dans les médiums s’éclaircissant dans les aigus, légèrement discrète dans les parties en quatuor. Chez les hommes, le ténor David Tricou porte des aigus clairs et solaires, justes et au grain de voix agréable (« Unde Mundus judicetur »). La basse Guilhem Worms déploie pour sa part une voix bien projetée, à l’élocution travaillée (« Benedictus qui venit ») et d’une belle amplitude entre des médiums très chantés et des graves grondants, pris au fond de la gorge et chantés avec aisance. Bien soutenu par des violoncelles et des contrebasses investies, le son est d’une belle rondeur. Il faut souligner l’équilibre des solistes dans les parties en quatuor, notamment dans les parties fuguées dans lesquelles les thèmes s’échangent de voix en voix.
Attentif à la direction d'Emmanuel Olivier, le Chœur régional des Hauts-de-France montre un bel investissement, soucieux du caractère de la partition mozartienne (en particulier les voix de sopranos et de basses, bien homogènes et démarquées des parties intermédiaires plus ténues). Le « Pie Jesu » est porté avec énergie, le « Lacrimosa » dessiné par des syllabes décochées de concert alors que le « Libera me » final est le lieu de crescendi contrôlés. L’ensemble est soutenu par une Grande Écurie minutieuse, justement dosée entre les parties solistes et accompagnantes, portée par des clarinettes chaleureuses et des violoncelles investis, mais souffrant parfois de manque de justesse et de précision chez les violons (peut-être dû à la chaleur ambiante de la salle).
Un concert hommage porté avec attention, achevant la saison 2018/2019 de l’Atelier lyrique de Tourcoing. À l’année prochaine !