Les Saisons de Haydn sous le ciel massicois
Jack-Henri Soumère, Président de l’Opéra de Massy, ouvre la soirée en présentant au public les six chœurs rassemblés, tradition de fin de saison organisée tous les deux ans : l’Atelier de Massy, Les Villains de Massy, la Chorale Accord de Massy, le Chœur du Conservatoire de Yerres, le Chœur Jacques Ibert de Paris ainsi que les enfants de la Maîtrise de Grigny. Tout ce beau monde se retrouve sous la baguette du jeune Dominique Spagnolo pour interpréter Les Saisons. Haydn compose cet opus en 1800, sur un livret proposé par le Baron Gottfried van Swieten. Il s’agit d’une œuvre de maturité, le compositeur commençant à sentir les premiers symptômes d’une maladie qui l’emportera neuf ans plus tard. Cet Oratorio retrace les quatre saisons de l’année dans un décor rural et champêtre, adaptation en allemand d’un poème de l’Écossais James Thomson. Les paysans y célèbrent la nature et parmi eux, trois solistes : une soprano (Estelle Béréau), un ténor (Benjamin Woh) et une basse (Nicolas Rigas).
L’œuvre s’ouvre sur l’arrivée du printemps avec un puissant tutti orchestral hivernal qui laisse doucement place au dialogue entre les cordes et les vents. Les nuances par vagues sont des bourrasques avant l’arrivée des solistes. La soprano se fait douceur printanière en duo avec le hautbois, et son vibrato léger et serré évoque les premiers chants d’oiseaux. Se joignent les chœurs en tutti : les enfants de la maîtrise sont souriants, et certains se balancent de gauche à droite, entraînés par la mélodie. Leurs t-shirts blancs se détachent des autres musiciens présents sur scène, tous de noir vêtus. Ils montent sur scène par deux fois dans la première partie du concert, avant de la quitter définitivement à l’entracte. Leurs voix fluettes se mêlent à celles des femmes, relativement détimbrées face à celles des hommes (pourtant bien moins nombreux). La basse est bien appuyée et sa diction très précise, avec des consonnes finales accentuées. Il presse par moments néanmoins, avant d’être remis à tempo par le chef. Le timbre du ténor s’approche de celui d’un contre-ténor, tout en légèreté et en douceur. Son vibrato est délicat et sa voix se cuivre dans les aigus. Le printemps s’achève sur une fugue chorale qui manque un peu de précision au début mais finit par se caler.
L’été arrive sur la scène de l’Opéra de Massy, retraçant une journée à la campagne depuis l’aube jusqu’à la nuit étoilée. Les cordes à l’unisson représentent la menace nocturne avant de passer staccato en accompagnant le ténor dans ses arpèges. Le hautbois figure le chant du coq annonçant le lever du soleil, suivi du berger menant ses troupeaux, représenté par les cors et la basse qui serre plus dans les graves. Puis le tempo ralentit comme le soleil et la chaleur commence à peser sur cette après-midi d’été. Les cordes en sourdine apportent une atmosphère de langueur qui s’électrise en pizzicato. La tension monte tandis que l’orage se rapproche : la flûte illumine le ciel de ses éclairs et les timbales font gronder le tonnerre. Le calme revient et laisse place à la contemplation des étoiles que les clarinettes font scintiller.
Après l’entracte, c’est l’automne qui prend ses quartiers dans une célébration du travail et des récoltes fructueuses d’un été laborieux. Pas de mélancolie, mais une fugue chantée par des paysans heureux dans un tutti triomphant, bien que les femmes manquent parfois de justesse dans les aigus. Les solistes continuent leurs récitatifs accompagnés du clavecin : la basse fait de joyeuses vocalises reprises en écho par la flûte, mais certaines notes plus graves sont tout justes atteintes. L’accélération du tempo évoque le vent qui se lève puis les cors tonitruants annoncent la chasse. La saison se termine dans la joie sur un Ländler (valse bavaroise) célébrant la fin des vendanges dans l’ivresse générale, avant une fugue volontairement maladroite.
L’hiver dénote des saisons précédentes par ses couleurs plus sombres, commençant en do mineur. Le tempo lent et les gammes chromatiques descendantes illustrent l’homme marchant dans la neige. Mais cette atmosphère ne dure pas puisque des couleurs joyeuses reviennent avec les « fileuses », ces femmes qui filaient le lin en attendant des jours meilleurs. Tour à tour, la soprano et le ténor content des histoires, ce dernier se faisant plus métallique dans ses vocalises. Le concert s’achève sur un final grandiose où le tutti chante dans la joie l’arrivée prochaine d’un nouveau printemps. La boucle est donc bouclée, sous les chaleureux applaudissements du public massicois.