Nature Enchanteresse à la Philharmonie
Le concert se divise en deux parties, la première étant dédiée au répertoire allemand. Honneur à la jeunesse avec François Meïmoun qui a composé en décembre 2017 une ouverture et quatre transitions (d'environ une minute chacune) entre cinq Lieder de Robert Schumann qu'il a en outre orchestrés, d'une manière très fidèle et naturelle tout en ajoutant force couleurs et textures. La transition ne se fait pas naturellement avec Gli Uccelli d'Ottorino Respighi (environ 20 minutes), dans un style plus ancien, une ambiance "air de cour", qui permet toutefois indéniablement aux instrumentistes de montrer une belle précision tout en légèreté et nuance, fort bien menée par la direction de Sascha Goetzel.
Julian Prégardien entre alors en scène pour chanter sans le moindre effort les deux premiers Lieder de Schumann, de sa voix aux nuances intimes. La formation orchestrale ici employée change cependant la donne : les huit instruments à vent, six cuivres, timbales et cordes couvrent parfois la voix mixte. Pour les trois derniers Lieder, toujours de Schumann, Karine Deshayes rejoint alors le ténor, de son beau mezzo-soprano rond et chaleureux. Deux voix aux timbres différents mais complémentaires. Ses nuances piano sont très belles en voix de tête mais elle aurait pu davantage convoquer la voix mixe ou de poitrine pour rester bien présente dans tout l'ambitus et cette grande salle de concert.
La deuxième partie du concert s'ouvre avec Claude Debussy et son Prélude à l'après-midi d'un faune réorchestré par Arnold Schönberg. L'Orchestre de chambre de Paris et Sascha Goetzel atteignent des moments sublimes d'expressions impressionnistes, emplis de couleurs et de riches vibrations parfois translucides. Un très beau moment de la soirée.
Deux mélodies de Gounod suivent : « Au rossignol » par Prégardien (son plus haut fait du concert). Sa belle couleur en demi-teinte forme un parfait équilibre avec l'ensemble des cordes. Deshayes lui répond en beauté par la Chanson de printemps, très nuancée et articulée avec les cordes et les clarinettes printanières. Dans une tonalité un peu grave pour elle, Le Colibri d'Ernest Chausson referme cette partie dédiée à la musique française.
Sans être une troisième partie à proprement parler, le retour de la musique allemande offre une sérénade avec Mahler, des moments lyriques d'Hugo Wolf révélant les graves de Karine Deshayes (que Sascha Goetzel ne couvre jamais), un sublime moment orchestral extrait du Siegfried de Wagner (malgré un problème pour les mécaniques du hautbois, mais un changement d'instrument est effectué d'une manière professionnelle). Les infimes nuances très équilibrées de Grieg et son Nachtigall qui mène à ceux de Schubert, puis de Brahms offrent une fin de concert très intimiste. Une soirée remarquée pour la qualité de l'Orchestre de chambre de Paris (interprétant à lui seul 50 des 90 minutes du concert).