Le Carnav(oc)al des animaux au disque
Commémorant le centenaire de la disparition du compositeur Camille Saint-Saëns, Gildas Pungier reprend la fameuse partition du Carnaval des animaux sans en changer une note, mais en y ajoutant des parties chorales (imaginant qu’elles auraient disparu dans un cataclysme).
Le texte signé Emmanuel Suarez dans la tradition de La Fontaine donne la parole au règne animal, avec leurs revendications et leurs relations complexes (notamment avec les êtres humains) pour la première « Très Grande Conférence au Sommet des Espèces Animales Réunies » procès de l’humanité présidé par Armel, Prince des ours et breton (cette joyeuse troupe réside en Bretagne, comme le rappellent plusieurs évocations parsemant la partition : goélettes, algues, falaise, forêts de Sherwood et de Brocéliande). Le lion veut faire du boudin de l’espèce humaine, des éléphants appellent à vivre ensemble, des kangourous fous de bonheur sautent par-dessus leurs soucis, une volière prône l’amour.
Certains sujets d’actualité à portée écologique incitent également à la réflexion comme dans Aquarium où les poissons sont en danger à cause d’une pêche intensive. Les auteurs prescrivent une cure de santé (avec des balades en forêt) dans Le Coucou. La folie des hommes n’est pas épargnée dans Pianistes transformé en un duel infâme. Après la menace des dinosaures « tremblez humains microscopiques » demandant de veiller sur notre jolie et unique Terre, le lion apporte la morale de toute cette histoire : devenu philosophe et finalement anthropologue, il demande l’union des destinées en résonance : en musique !
Cette nouvelle interprétation à portée pédagogique est destinée aux enfants mais touche également les adultes par son humanisme (une constante chez Gildas Pungier). En maître de cérémonie, le récitant Jean-Michel Fournereau rythme les séquences et cherche à mettre un peu d’ordre dans ce joyeux chaos.
Les 12 chanteurs de Mélisme(s) ont des voix homogènes, expressives, variées, de la « coqophonie » du chœur des Poules et Coqs qui lavent leurs plumes sales en public jusqu’au poétique et délicat discours du Cygne, en passant par de bondissants Kangourous et des Hémiones (âne sauvage) revendiquant leur liberté dans un tempo et une précision sans faille. Certains choristes donnent également la réplique au récitant.
Les voix légères et pures des enfants de la Maîtrise de Bretagne dirigée par Maud Hamon-Loisance interviennent à deux reprises : pour suggérer Le Coucou au fond des bois et chanter les airs enfantins de Fossiles (J’ai du bon tabac, Ah vous dirai-je maman, Au clair de la lune). L’interprétation des 11 instrumentistes issus de l’Orchestre National de Bretagne, tour à tour tonifiante, poétique ou espiègle complète avec cohésion la texture sonore sans l’alourdir. Gildas Pungier dirige le tout dans un respect de la partition originale et avec un dosage des voix qui s’ajoutent sans redondance dans un résultat intelligible. Le petit bémol réside dans une prise de son parfois peu avantageuse pour le chœur qui passe au second plan et diminue la compréhension des paroles (pour qui n’a pas le livret sous les yeux).
Cet enregistrement nourri par l’engagement de tous et l’écoute collective emmène le public dans un voyage musical original où l’écriture, la musique, l’enfance et la protection de l’environnement sont réunis pour résonner ensemble. Le voyage de ce projet le mènera notamment en décembre à l’Opéra de Rennes.