Lea Desandre et l’Ensemble Jupiter ravivent Vivaldi à Aix
Une semaine après le concert pascal des Arts Florissants avec William Christie, Thomas Dunford et Lea Desandre sont de retour sur un répertoire plus traditionnellement baroque consacré à Antonio Vivaldi. Le programme alterne concertos, extraits d’opéras et œuvres sacrées à la verve particulièrement lyrique, comme l’oratorio Juditha triumphans.
Lea Desandre est accompagnée de ses compères de l’Ensemble Jupiter. Aguerris au répertoire baroque, les instrumentistes font preuve d’une alchimie remarquée, empreinte d’une complicité manifeste autour du continuo cristallin de Violaine Cochard et de leur chef Thomas Dunford. Les pupitres s’avèrent très équilibrés et le son est très travaillé. Les trois concertos du programme permettent de mieux mettre en valeur la richesse de timbre du violoncelliste Bruno Philippe et la virtuosité discrète du luth de Thomas Dunford. Ce dernier joindra même sa voix de contralto à l’instrument pour les rappels de fin de concert.
Format streaming et micro obligent, pour pouvoir assurer une captation acoustique impeccable, l’Ensemble Jupiter couvre parfois un peu la voix de Lea Desandre aux oreilles du public de professionnels présent dans la salle. Ce qui affecte particulièrement les pièces les plus intimistes, comme par exemple « Vedro con mio diletto » extrait d’Il Giustino, auquel la voix de la mezzo-soprano française apporte une chaleur et une délicatesse religieuse.
Lea Desandre fait aussi montre sur d’autres pièces plus rapides et intenses d’une longueur de voix impressionnante et de graves assurés. Les legati se succèdent avec agilité et détermination, le timbre sombre épouse la sauvage détermination de l’héroïne d’opera seria ou de la vengeresse biblique. Au fur et à mesure des airs, la voix se chauffe et la projection croît en assurance. Le timbre est toujours pur, les nuances de chaque morceau sont sublimées et la diction impeccable en italien ressuscite le frisson d’assister à un opéra vénitien. Les da capo (reprise du début), jamais redondants, permettent à la chanteuse d’ajouter ornements et niveaux de nuances supplémentaires fidèles à l’esprit de l’époque.
Sur « Gelido in ogni vena », dont l’introduction rappelle fortement « L’Hiver » des Quatre Saisons, les staccati (piqués) acérés de l’Ensemble Jupiter répondent à merveille au lyrisme sombre de Lea Desandre et à la légèreté aérienne de ses legati. Les graves généreux, les aigus parfaitement placés, la justesse de l’interprétation, la diction déterminée contribuent à faire de cet air l’un des grands moments de la soirée.
Comme un clin d’œil à leur concert pascal, Lea Desandre et Thomas Dunford font une infidélité au « prêtre roux » pour les bis : ils proposent deux compositions de Douglas Balliett et de Thomas Dunford, mettant en avant le luth solo de ce dernier. La diction de Lea Desandre s’avère aussi impeccable en anglais qu’en latin et l’Ensemble Jupiter offre la même harmonie dans ce répertoire contemporain écrit pour eux.