Grands Motets de Lully : Les Épopées au cœur de la Chapelle Royale de Versailles
Musicien indissociablement rattaché au règne de Louis XIV, Jean-Baptiste Lully (1632-1687) a effectivement marqué quatre décennies du Roi Soleil et créé un style musical qui restera longtemps celui définissant l’éblouissante et saisissante Musique Française. Pour ce deuxième volume de ses œuvres religieuses, Les Épopées proposent trois pièces qui ont marqué trois moments très officiels et néanmoins émouvants de la cour (Miserere, Quare Fremuerunt et Plaude laetare Gallia avec les Éditions du Centre de musique baroque de Versailles). La fine attention de Stéphane Fuget défend avec panache ces œuvres aussi grandioses qu’émouvantes, leurs couleurs expressives et puissantes. La musique semble se faire le miroir sonore des fresques colorées et éblouies des rayons du soleil qui ornent majestueusement la Chapelle Royale de Versailles.
Les intentions expressives fusent dès les premières mesures du Plaude Laetare Gallia, composé pour le baptême du Grand Dauphin. En réponse aux pages instrumentales, dont le souffle musical manifeste une réelle conscience de la direction des phrasés, la grande tendresse des « O Jesu » est déclamée par Marc Mauillon. Le chœur entier lui répond comme sur un fil expressif extrêmement touchant. Que ce soit à l’attention de la trentaine d’instrumentistes ou du chœur, Stéphane Fuget se montre très communicatif en souffle, animant le discours musical par d’amples caresses ou, à l’inverse, d’un index précis. L’intimité du trio instrumental lors de ses interventions invite alors davantage au doux souvenir qu’à la pesante tristesse.
Toute cette palette expressive déployée par la Compagnie lyrique est rendue possible grâce à un profond travail d’homogénéité. Pourtant, le chœur est en partie constitué de chanteurs solistes, assumant tous leur partie, qu’ils soient tous ensemble, en petits effectifs ou seuls. La ferveur déclamative de Marc Mauillon répond ainsi à la voix grave et solennelle de Frédéric Caton, le timbre clair de Clément Debieuvre résonne sur la chaleureuse expressivité de Vlad Crosman ou le phrasé articulé et fier de Cyril Auvity. Parmi les femmes, la mezzo-soprano Ambroisine Bré charme par l’intensité de son timbre, notamment dans les graves, et son texte expressif. Claire Lefilliâtre convainc également par sa diction précise, sa voix ronde agrémentée d’un vibrato au service de son interprétation. L’occasion également apprécier l’intervention à la fois sûre et fraîche de la jeune soprano Jeanne Lefort.
Les entrées en tuilage ouvrant le Miserere se déploient ainsi telle la douce plainte qui arracha des larmes à la marquise de Sévigné. Un tel effectif dans un tel édifice demande certes à l’oreille de s’adapter à toute la générosité acoustique de la partition et de l’ensemble, mais offre de fait des effets de résonnance sublimées à chaque accord final.
Tant de passages de tendresse et d’exultation, tant de douceurs qui charment l’oreille répondent avec enthousiasme à cet appel qui ouvre ce beau moment de musique : Plaude Laetare Gallia (Applaudis et réjouis-toi, France) !
L'année dernière, Les Épopées enregistraient trois autres motets de Lully : Dies Irae, O Lachrymae fideles, De Profundis :