Dulcis Melodia, respirations baroques alsaciennes
C’est dans le chœur supérieur du couvent des Dominicains de Guebwiller, aujourd’hui Centre de culture et de rencontre en Haute-Alsace, avec ses hautes fenêtres qui dominent la ville et par lesquelles s’invitent allégrement les rayons du soleil, que l’ensemble Dulcis Melodia invite les spectateurs virtuels à découvrir leur travail de redécouverte d’œuvres oubliées. Le programme propose des morceaux dont la plupart sont extraits du recueil d’un compositeur strasbourgeois, David Thoman (1624-1688), et d’un autre de Franz Rost (c. 1640-1688) qui compile des œuvres allemandes et italiennes, manifestations d’un souffle baroque européen qui inspira les musiciens d’Alsace.
Tout le long du concert, l’ensemble, dirigé avec finesse et discrétion par le claviériste Jean-François Haberer, se montre digne de son nom, faisant incessamment preuve de douceur, tant dans les timbres et leurs mélanges, que dans leur interprétation. Les deux sopranes, Sarah Gendrot-Krauss et Cécile Foltzer Lenuzza, possèdent toutes deux des timbres bien distincts. La première fait entendre une voix très tendre, voire même un peu trop dans les graves qui se font plus discrets, subtilement cuivrée et légèrement brillante dans les aigus. Son discours musical, notamment lors de Domine non sum dignus de David Thoman, est très clair avec une simplicité qui offre une expressivité presque envoûtante. La voix de la seconde est plus ronde et un peu plus chaleureuse, ne manquant pas des mêmes qualités interprétatives que sa collègue, notamment lors du Domine exaudi vocem meam du même compositeur. Leurs différences de timbres n’empêchent en rien l'homogénéité de leurs duos, grâce à leur appréciable maîtrise du souffle et des soutiens qui créent des directions de phrasés aussi cohérentes que souples.
Les musiciens ne sont pas en reste, particulièrement Céline Jacob et Liselotte Emery qui charment avec leurs cornets à bouquin par leur sonorité caressante et leur conscience subtile des mélodies. Parmi plusieurs agréables moments, l'auditeur retient la dansante chaconne Variationes (XLVI) de Maurizio Cazzati (1616-1678). Leurs flûtes à bec savent également se montrer touchantes, comme dans la gaie Sonata (LXVII) de Johann Heinrich Schmelzer (1623-1680). Jamais les instrumentistes ne font défaut, avec une quelconque aspérité de son ou de justesse, grâce à leur soin attentif, constant et semblant naturel. L'accompagnement à la viole de gambe de Geneviève Sandrin et à la doulciane de Michèle Ruch est à ce titre aussi discret qu’efficace.
Ce concert offre une petite mais profonde respiration, à l’image de ces doux rayons de soleil qui traversent les vitres de cette intime salle de concert qu’est le chœur supérieur. Aucun spectateur ne peut briser le silence qui clôt cet agréable moment, si ce n'est les cloches du couvent qui sonnent au lointain.