Max Emanuel Cenčić grave et ravive les arias de Porpora
Timbales et cuivres ouvrent en fanfare cet album. L'Ensemble Armonia Atenea sur instruments d'époque dirigé par George Petrou portera ainsi durant tout ce programme la voix de Cenčić, d'emblée appuyée sur un souffle intense. Dans l'alternance des mouvements fougueux et des alanguissements, les souffles s'allongent et se mêlent, les cordes s'adoucissent (celles des violons comme les cordes vocales). Après la fougue de Valentinien Ier appelant l'aigle vainqueur, puis le doux espoir d'Ériclée, le rythme reprend de plus belle sur "Tu spietato non farai" (Iphigénie en Aulide) avec des accents instrumentaux qui vont jusqu'à fouetter le bois des archets sur les cordes. Le tout pour mieux s'adoucir sur la ballade bucolique "Ove l'erbetta tenera, e molle" de Filandro, chantée comme une berceuse, la voix se posant sur les amples trilles des flûtes dans la douceur des cordes.
L'album enchaîne et alterne ainsi les rythmes et les caractères contrastés, mais la voix sait toujours garder son amplitude et de grands élans volontairement poussés jusqu'au bord de la maîtrise. Bien entendu (et bien soutenu par la noblesse martiale des cuivres et timbales), le chanteur offre certains de ces passages en pyrotechnie vocale que réclament ce répertoire et l'auditoire. Voix de contre-ténor aux accents dramatiques, ses mouvements emportés vers l'aigu privilégient alors l'intensité (impressionnante) à la parfaite justesse dans les passages intermédiaires. Mais la fougue retrouve douceur et plénitude dans l'apaisement, comme les instruments déploient leurs crescendi et decrescendi rondement menés.
Ce projet permet ainsi de redécouvrir l'œuvre du compositeur Porpora. Sur les 14 arias de l'album, 7 sont en effet présentées comme des premières mondiales au disque (extraits de Filandro, Enea nel Lazio, Carlo il Calvo, Ezio et Il Trionfo di Camilla). Un pas de plus est donc fait vers la réhabilitation du catalogue de Porpora qui a été victime de son propre talent. Porpora le compositeur a en effet été éclipsé par Porpora le maître de chant des castrats : notamment Gaetano Majorano, célébré dans toute l'Europe sous le pseudonyme de Caffarelli, mais également Carlo Broschi, qui n'est nul autre que le légendaire Farinelli !