Roselyne Bachelot manie la carotte et le bâton
"Même si la procédure devant le Conseil d’Etat prospère, les salles seront soumises au couvre-feu à 20h, ce qui nécessitera un tombé de rideau à 19h : ce ne sera pas forcément une très bonne affaire". Après avoir fait peser la menace de conséquences juridiques sur les salariés d'institutions accueillant du public malgré l'interdiction, la Ministre de la Culture douchait ainsi violemment les espoirs des professionnels du spectacle quant à leur recours en référé-liberté devant le Conseil d'Etat.
Ces actes de contestation étouffés, Roselyne Bachelot est revenue sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à décider du prolongement de la fermeture des salles. "Il ne s'agit pas de culpabiliser", explique-t-elle avant d'énumérer la litanie des mesures prises par le secteur du spectacle pour protéger son public, donnant aussi raison à ceux qui clament que les salles de spectacle sont des lieux sûrs. Le problème, déjà mentionné par Jean Castex, est celui des flux générés par le secteur culturel : "Quand les lieux de culture fonctionnent, c’est 40.000 personnes dans les rues de Paris", explique la Ministre. Avant d'être en sécurité dans l'opéra, le théâtre ou le cinéma, le spectateur prend en effet le risque de faire usage des transports ou de marcher dans la rue, rejoignant alors les millions de Franciliens qui le font déjà pour d'autres raisons. Cet argument tend ainsi à masquer l'aspect éminemment politique de ce choix, en terme de quantité (un seul centre commercial générant plus de flux que l'ensemble de la culture parisienne) et de situations différenciées (très nombreux sont les citoyens à travers la France qui ne rejoignent leur lieu de culture ni en métro ni en marchant dans une agglomération).
En cette période de Noël, la Ministre ne venait toutefois pas les mains vides. "Les conditions à la réouverture le 7 janvier pourront évoluer", explique-t-elle d'abord pour répondre à l'inquiétude suscitée par la probabilité très réduite d'une baisse des cas de contamination malgré le desserrement des mesures restrictives (actuellement, la courbe remonte, à 17.615 cas détectés hier). Balayant l'idée, avancée par un auditeur, de donner de la visibilité aux salles quitte à fermer les lieux de spectacle jusqu'en septembre, elle se fend même d'une promesse de lendemains qui chantent, littéralement : "Il est hors de question de mettre la culture sous cloche pendant des mois. Nous travaillons à un modèle résilient qui permettrait d’ouvrir quelles que soient les conditions sanitaires". Ce travail, que les théâtres pensaient avoir effectué, en appliquant des protocoles tellement stricts qu'ils étaient d'abord considérés comme inapplicables, ne peut être que salutaire. Nul doute que le monde du spectacle sera au rendez-vous pour converger vers cet objectif.