Le Plan de soutien au spectacle vivant annoncé et chiffré
Le plan de relance économique de 100 milliards d'euros doit être annoncé mercredi prochain (le 3 septembre). Sur ces 100 milliards, 2 seront consacrés à la Culture et Jean Castex annonce que 432 millions d'euros seront dédiés au spectacle vivant (auteurs, artistes, entreprises et établissements des secteurs privé et public) avec 220 M€ pour le spectacle vivant privé, 200 M€ pour le spectacle vivant subventionné, ainsi que 12 M€ pour l'emploi et les artistes auteurs du spectacle vivant, auquel s'ajoute un programme exceptionnel de 30 M€ pour la commande artistique.
Le Premier Ministre apporte ainsi des éléments de réponses aux nombreuses questions (entre doutes et espoirs) qui se posent. Voici les mesures :
"L'activité partielle est prolongée jusqu'au 31 décembre 2020". Ce dispositif national généralisé à partir du confinement en mars avait été progressivement réduit à partir du 1er juin et prendra fin quasi-intégralement le 31 août mais il est donc maintenu dans le secteur culturel. Ce dispositif qui permet une rémunération (au moins partielle) est d'autant plus précieux qu'il peut être activé pour différents types de contrats, qu'ils s'agisse de permanents mais aussi de contrats à durée déterminée d'usage (qui concernent les intermittents et leur permettent donc de faire valoir des heures pour accéder à leur seuil d'indemnisation, sachant que l'année blanche qui leur a été annoncée ne les dispense nullement de devoir trouver leurs cachets d'ici à la rentrée 2021). Toutefois, ce dispositif a un grand défaut dans le domaine de la culture : si tous les "employés" peuvent y avoir droit, ce n'est pas le cas pour tous les "employeurs". Nous en expliquons les différents critères, peu compréhensibles pour les directeurs d'opéras eux-mêmes.
Le chiffrage de cette mesure n'est pas annoncé, et pour cause : il est complexe d'anticiper le nombre de contrats qui y auront recours et sur quelle durée (quoique le gouvernement a déjà chiffré l'année blanche à 950 millions d'euros alors qu'elle dépend aussi de la reprise des spectacles et de leurs annulations et sachant qu'il avait estimé le coût du chômage partiel pour l'économie globale française à 24 milliards d'euros sur un plan de soutien global lui aussi à 100 milliards). Le chiffrage n'est pas davantage donné pour les nouvelles mesures suivantes annoncées : "prolongation du crédit d'impôt pour le spectacle vivant et du crédit d’impôt phonographique jusqu’au 31 décembre 2024 ainsi qu’un assouplissement temporaire des paramètres du crédit d’impôt spectacle vivant."
Ces mesures sont donc un crédit d'impôt et ravivent l'une des premières inquiétudes concernant les milliards du plan de relance : s'agira-t-il d'un "argent frais" ou bien de divers prêts, crédits, avances, dégels et autres (qui formaient l'essentiel des 5 milliards déjà annoncés par le précédent Ministre de la Culture, Franck Riester). Les avances de trésoreries et reports de fiscalité sont toutefois très utiles et importantes pour les lieux établis, afin qu'ils puissent redémarrer au plus vite en remboursant les aides une fois la reprise effective.
Le Directeur de Château de Versailles Spectacles, Laurent Brunner, qui s'est particulièrement mobilisé sur ces questions a ainsi réagi pour nous à ces annonces : "Ce sont d'excellentes mesures car il faut favoriser l'activité. Jusqu'ici il y avait surtout eu des mesures favorisant le chômage partiel. Là, nous avons des mesures qui poussent à travailler ce qui est toujours plus efficace et producteur de valeur que de combler le chômage."
D'autant que la dernière décision annoncée par le Premier Ministre va dans ce même sens (tout en étant chiffrée) : "Un nouveau mécanisme de compensation des pertes d'exploitation liées à la persistance de mesures de distanciation sera rapidement mis en place, afin d'encourager la reprise d'activité des exploitants de salle de spectacle. Ce dispositif sera instauré après concertation avec les professionnels du secteur, avec effet à compter du 1er septembre 2020 et pour une durée de 4 mois. Ce mécanisme s’adressera aux exploitants de salles TPE/PME du secteur privé. L'Etat sera attentif à la juste redistribution de la valeur à l'ensemble de la chaîne jusqu'aux artistes et aux auteurs. Le dispositif sera fléché sur les entreprises qui reprennent une activité minimale : le seuil sera défini en concertation avec les professionnels. En outre, certains critères devront être précisés par la concertation : cohérence et sérieux du modèle économique du projet par rapport à l'historique ; application stricte des mesures sanitaires ; seuil de déclenchement et plafond de la garantie accordée. 100 M€ pour l'ensemble du secteur culturel viendront s'ajouter au plan de relance de 2 Md€." Autant de paramètres qui demanderont un pilotage et suivi très attentif, comme s'y est engagé le Ministère de la Culture.
Matignon et la rue de Valois ont également précisé que les 420 millions d'euros seront également répartis entre musique et théâtre.
Le Centre national de la Musique se verra attribuer 210 Millions (200 M€ de crédits pour la filière musicale dans son ensemble, mais aussi 10 M€ pour parachever la montée en puissance de ce Centre National de la Musique sur deux ans).
Pour le théâtre, 10 M€ permettront d’abonder le fonds d’urgence aux théâtres privés et aux compagnies non conventionnées et 200 M€ accompagneront le spectacle vivant subventionné : 120 M€ pour les opérateurs publics nationaux du spectacle vivant qui ont vu leurs ressources propres massivement chuter du fait de la crise, 30 M€ en région, 30 M€ pour les ensembles, les orchestres et les festivals, 20 M€ pour encourager la transition écologique.
Enfin le gouvernement annonce "un soutien direct à la création et à l'emploi" avec un dispositif pour les artistes-auteurs fragilisés par la crise (13 M€ dont 7 M€ au spectacle vivant). Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle sera abondé à hauteur de 5 M€.
Reste donc à suivre l'application de ces décisions et la désormais fatidique carte des zones rouges interdisant la levée des jauges en salles. Une mesure que nous avons détaillée dans notre précédent article. Dans le prochain, ce sont les directeurs d'opéra qui en détailleront les possibilités offertes et les questions posées par son applicabilité concrète.