Grève nationale, série noire à l'Opéra
Le nouveau projet de réforme des retraites visant selon le gouvernement à harmoniser les régimes d'indemnisation (durée et taux de cotisation) vise de fait à supprimer les "régimes spéciaux". Certains corps de métier conserveront pourtant des modalités de départ à la retraite particulières, étant entendu qu'un pilote de chasse ou un pompier (par exemple) ne pourrait se voir exigé de faire son office jusqu'à un âge avancé. Mais quid alors, par exemple, d'un danseur d'opéra dont le corps est souvent rompu à 40 ans et qui ne pourra plus raisonnablement monter sur pointes ? La question se pose aussi pour les artistes salariés des théâtres et des opéras, où le mouvement de grève national entraîne une série d'annulations.
«Leur corps ne peut pas tenir plus longtemps». Les danseurs de lOpéra de Paris peuvent partir à la retraite à 42 ans et touchent un peu plus de 1000 euros par mois. À cause de la réforme du gouvernement, ils craignent pour leur avenir et leur santé. @Azzahmedchaouch#Quotidien pic.twitter.com/kUM6V7U3LI
— Quotidien (@Qofficiel) 5 décembre 2019
L'Opéra de Paris invite ainsi les spectateurs à se renseigner tous les jours pour savoir si les représentations auront lieu ou non. Pour l'instant, tout a été annulé, mais au jour le jour, voire heure par heure. L’institution explique en effet que ses salariés peuvent se déclarer grévistes jusqu’à l’heure du spectacle. Résultat pour le ballet Raymonda à Garnier le premier soir de grève, l'Opéra de Paris n'a informé les spectateurs de l'annulation que 20 minutes avant le début de la représentation prévue (suscitant de nombreuses réponses outrées sur les réseaux sociaux -sans oublier ceux qui ont trouvé porte close une fois sur place après avoir fait des trajets éprouvants en l'absence de transports en commun).
Tous les spectacles suivants (de ces 6 et 7 décembre) ont également été annulés. L'information est certes venue plus tôt, mais toujours le jour même : à 17h42 hier, à 11h47 ce matin.
La liste des représentations annulées dresse autant de lourdes déceptions pour les interprètes et les artistes.
Le Prince Igor, nouvelle production très attendue (dont nous rendions compte le soir de la première), n'en était qu'à sa quatrième date aujourd'hui et les 6 autres dates qui doivent occuper le mois de décembre sont donc compromises également (idem pour la retransmission télévisée prévue le mardi 17 décembre). Bastien et Bastienne de Mozart (compte-rendu de la précédente série), spectacle tout public à l'Amphithéâtre Bastille, aura vu deux représentations de suite (6 & 7 décembre) annulées. Lear de Reimann par Calixto Bieito (compte-rendu) aura été privé de sa dernière date. Ce sont ainsi les trois spectacles lyriques de ce samedi 7 décembre, tout comme les deux ballets du vendredi 6 (Le Parc par Preljocaj à Garnier et Raymonda de Noureev à Bastille) qui n'ont pas pu se jouer.
Le Théâtre des Champs-Élysées a également dû annuler la représentation du 5 décembre des Noces de Figaro mises en scène par James Gray (compte-rendu), "Une partie du personnel permanent et des intermittents du spectacle ayant décidé de se joindre au mouvement social". Toutefois, les spectacles ont repris depuis (le théâtre recommandant à ses spectateurs de se renseigner sur l'état des transports et "de prévoir d'arriver un peu plus tôt").
Le mouvement de grève est bien plus vif et soutenu à Radio France, entraînant des séries d'annulations pour les programmes diffusés à l'antenne (remplacés par des playlists musicales) et pour les concerts produits par la maison ronde. C'est même une triple menace budgétaire que combattent les Chœurs de Radio France : la diminution de leur pension de retraite, la baisse des dotations pour l'audiovisuel public (entraînant une réduction de 60 millions d'euros, avec la suppression de 299 postes à Radio France), et, directement pour les chanteurs, la réduction drastique de leurs effectifs. Les choristes étaient 114 en 2015, ils ont déjà subi une forte diminution et ne sont plus que 93 aujourd'hui, mais Sibyle Veil (Présidente de Radio France) veut descendre à 60 choristes (avec 33 départs volontaires) en 2020. Dans ce cas, cet ensemble qui se targue d'être un Chœur symphonique ne pourra plus interpréter seul de grands Requiem ou Symphonies romantiques et devra engager des supplémentaires ou bien s'adjoindre la collaboration d'autres ensembles (comme l'été dernier pour la Symphonie des Mille de Mahler aux Chorégies d'Orange).
Les détenteurs de billets pour des spectacles annulés peuvent demander l'échange pour une autre date ou un autre spectacle, ou bien le remboursement.