Une scène de viol collectif fait polémique au Royal Opera House
La scène du viol collectif dans la mise en scène de Damiano Michieletto © Richard Morrison
Le viol, qui intervient au troisième acte de la production et dure près de cinq minutes, commence sur scène puis se poursuit dans les coulisses. Un moment insoutenable pour les spectateurs, qui n'ont pas manqué de faire savoir leur désapprobation. Leurs huées s'éternisant, l'orchestre aurait même été obligé de s'interrompre un instant. Depuis, les critiques n'ont pas cessé de pleuvoir.
Saluant les sifflets de l'audience, le Times a fustigé la scène en question, la qualifiant «d'inexcusablement horrible». «Une réaction excessive ? Pas si vous voyez vingt hommes du chœur traîner une femme, la dénuder avant de se presser pour la violer», s'est expliqué le quotidien britannique, qui n'a donné qu'une étoile sur cinq à la production. Le Guardian a parlé de «viol collectif long, lascif et voyeuriste» qualifié de «totalement inutile». Le Daily Telegraph juge, quant à lui, la scène «en contradiction flagrante avec l'esprit de la musique».
Le metteur en scène vénitien voue depuis toujours une profonde admiration à Rossini, qu'il n'a eu de cesse de mettre en scène : La Pie voleuse en 2007 à Pesaro, L’Italienne à Alger à Valence en 2010, La Scala di seta à Zurich en 2013, Le Barbier de Séville à Genève en 2010, La Cenerentola à Salzbourg en 2014, Le Voyage à Reims à Amsterdam en 2015. « Pour moi, il est bien évident que tous les livrets utilisés par Rossini nous parlent de la vie d’aujourd’hui et du monde actuel », confiait t-il dans un entretien au journal de l'Opéra de Paris «En scène !» en juillet 2014, à l'occasion de son travail sur Barbier de Séville.
Par voie de communiqué, Kasper Holten, le directeur du ROH, a immédiatement réagi en affirmant son soutien indéfectible au metteur en scène : «Cette production inclut une scène qui met en lumière la brutale réalité des femmes qui sont victimes d'abus pendant les guerres et de la violence sexuelle qui est un fait tragique de la guerre».
«La production a voulu faire de ce moment une scène inconfortable tout comme il y a plusieurs scènes violentes et bouleversantes dans la partition de Rossini», défend-il. Le directeur a concédé qu'il prendrait des mesures pour avertir le public de la présence de «scènes de violences sexuelles et de nudité».
Si le Times souligne la récente augmentation des huées de la part du public -trois productions sifflées l'année dernière au ROH-, l'affaire ne manque pas de rappeler la polémique soulevée par le sulfureux Tannhäuser de Timofeï Kouliabine à l'Opéra de Novossibirsk.Tannhäuser y est un réalisateur de films érotiques faisant tourner Jésus Christ dans La Grotte de Vénus. Après la plainte déposée par l'Eglise orthodoxe, Boris Mezdritch, son directeur depuis 2011, avait été renvoyé.