« Amusez-vous ! » en explorant les coulisses du spectacle baroque
Après plusieurs jours auprès des écoles de Versailles et de Trappes, c’est au tour du grand public de profiter des « Menus-Plaisirs d’été » organisés par le Centre de musique baroque de Versailles. Dans la cour basse de l’Hôtel des Menus-Plaisirs, aujourd’hui occupé par le centre, familles et curieux sont accueillis par Monsieur Papillon de La Ferté en personne, intendant des Menus-Plaisirs à la cour de Louis XV et de Louis XVI, personnifié par le comédien Thierry Péteau. Celui-ci appelle à l’aide, devant organiser en catastrophe le mariage du jeune Dauphin avec Marie-Antoinette, dont la date a été avancée. Il invite donc les visiteurs à participer à la conception du spectacle qui devra se dérouler à l’Opéra Royal, aux côtés des chanteurs, des danseurs, des comédiens, des machinistes et des costumiers. Ils ont alors deux choix d’atelier pour découvrir les coulisses d’un spectacle baroque, monde fascinant qui ne cesse de passionner le CMBV et Les Lunaisiens. Quel que soit leur métier, les artistes de la troupe ne cachent pas leur plaisir de transmettre leur passion et leurs talents pour les arts du XVIIIe siècle.
Accompagnés par la flûte à bec de Claire-Ombeline Muhlmeyer et la vielle à roue de Christophe Tellart, les participants de l’atelier « je suis chanteur » découvrent, en l’espace de 20 minutes seulement, les secrets de l’art de la déclamation et du chant baroque pour lequel le texte et la beauté de la langue française, fondamentaux, sont sublimés par le geste. Grâce aux conseils et consignes des maîtres à chanter Arnaud Marzorati, David Ghilardi ou Jenny Daviet, la douzaine de participants apprend à déclamer un timbre, Le Corbeau et le Renard de La Fontaine dans une réinterprétation musicale, avec la musique déclamatoire et la gestuelle adéquate. Chanteurs ou non, tous comprennent très rapidement, avec une déconcertante facilité, le plaisir de prononcer le français à la manière du XVIIIe siècle, le sens du texte prenant une dimension nouvelle. À l’heure où les microphones et les puissantes lumières n’existaient pas, le geste et la posture du corps sont les vecteurs du texte et de l’expressivité du chanteur, du danseur et du comédien.
Cette même exigence se retrouve lors de l’atelier « je suis danseur », en compagnie de la violoniste Clémence Schaming, de la harpiste Pernelle Marzorati, et sous l’animation des danseuses Gudrun Skamletz, Sarah Berreby ou Caroline Ducrest. Toujours avec simplicité et plaisir partagé, le visiteur y apprend l’élégance verticale du corps baroque et l’importance des ornements souples et ronds des articulations (particulièrement des jambes, à l’image des effets musicaux du violon). La posture et la déclamation baroques se découvrent également avec les comédiens Thierry Péteau et Swann Lejeune lors de l’atelier « je suis comédien ». Si des éléments du décor de Cadmus et Hermione rythment discrètement la visite, c’est pendant l’atelier « je suis décorateur » que se découvrent les dessous d’un art aussi technique qu’esthétique grâce aux explications des peintres-décorateurs Adrien Dauvillier et Pasquale Mascoli. Enfin, les impressionnants costumes qui subliment (et lestent) les comédiens-chanteurs sont présentés par le comédien Alexandre Laval, assisté de la costumière Michelle Josset et du comédien Jimmy Leroy-Schneiter.
Après avoir participé à ses deux ateliers au choix, le public est invité à se rendre dans la cour haute de l’Hôtel des Menus-Plaisirs, voir les fondations du bâtiment qui accueillit les États-Généraux en mai 1789 et où fut entre autres votée la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Sous le chapiteau abritant des ondées, les participants assistent à la soi-disant répétition de la compagnie avant d’être bel et bien choisis par Papillon de La Ferté pour les réjouissances du mariage du Dauphin. Petits et grands peuvent ainsi apprécier un court spectacle permettant de poursuivre leur découverte du Baroque avec les airs et danses les plus fameux. Sur la Passacaille extraite d'Armide de Jean-Baptiste Lully, les six musiciens de la compagnie Les Lunaisiens, avec démonstration dansée des castagnettes par le percussionniste Laurent Sauron, font entendre la variété des timbres de leurs instruments, sachant en jouer ou, grâce à une belle complicité et écoute mutuelle, l’utiliser à bon escient en tutti. La soprano Jenny Daviet démontre son agilité vocale et la clarté de son chant avec une fine interprétation pour Le Corbeau et le renard sur un petit air de vaudeville, que certains connaissent déjà bien grâce à leur atelier. Surgit alors le ténor David Ghilardi qui interprète, de sa voix peu timbrée mais agréablement expressive par le soin de sa prononciation, l’amusante chanson « Écoutez, chers amis, le sort d’une mouche ». Sur les variations de J’ai du bon tabac ou la célèbre Marche pour la cérémonie des Turcs de Lully, les danseuses Gudrun Skamletz et Caroline Ducrest font une démonstration des danses baroques vues ensemble un peu plus tôt dans l’après-midi, avec un plaisir qui se voit et se communique. Le public a même droit à une élégante lutte d’épées sur scène par les comédiens et cascadeurs Swann Lejeune et Jimmy Leroy-Schneiter.
C’est après la Danse des sauvages des Indes galantes de Jean-Philippe Rameau et sur le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier que sort toute la troupe sous les applaudissements des spectateurs, ravis de ces découvertes fascinantes et pleines de fraîcheur.