Plongée dans les coulisses du Voyage dans la Lune par le CFPL
Ce spectacle en coproduction avec 16 maisons d’opéra et le Palazzetto Bru Zane, qui va se dérouler durant les trois prochaines années, a été préparé depuis trois ans et s’inscrit dans la suite de grandes aventures précédentes, comme nous le présente Raymond Duffaut, Président du CFPL : “Nous avions déjà travaillé sur trois productions nationales avant cela : Le Voyage à Reims de Rossini, Les Caprices de Marianne de Sauguet, et L’Ombre de Venceslao de Matalon dont c’était la création mondiale. Nous avons également coproduit une version jeune public du Barbier de Séville avec le Théâtre des Champs-Elysées. Nous cherchons à chaque fois un ouvrage qui n’est pas régulièrement à l’affiche afin de réunir le plus grand nombre de coproducteurs possibles. Il fallait également réunir un nombre relativement important de solistes dans les différentes tessitures vocales. Dans le cadre d’une convention avec la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), nous avions émis l’idée de nous orienter vers le répertoire lyrique léger."
"Comme nous tombions peu après le bicentenaire de la naissance d’Offenbach, poursuit-il, nous avons décidé de monter l’un de ses ouvrages, et le choix s’est porté sur le Voyage dans la Lune, qui n’a pas été souvent monté depuis la production de Savary à Genève en 1985.”
Un projet d’une telle envergure demande un soutien très large, comme le détaille Raymond Duffaut : “Le projet bénéficie du soutien du Ministère de la Culture, du mécénat de la Caisse des dépôts et de la Fondation Orange, ces derniers accompagnant d’ailleurs l’ensemble des projets du CFPL et notamment le Concours Voix Nouvelles. Cela permet de limiter très significativement la part du coût de production de chaque maison d’opéra. La part de coproduction s’établit pour ce projet à 15 ou 16.000 € par coproducteur, ce qui est très faible. À titre de comparaison, louer une production existante revient à 5.500 euros par représentation. Le coût de production de ce projet représente donc pour les maisons d’opéra l’équivalent de la location d’une production existante qui serait jouée sur trois représentations."
"Le CFPL n’étant pas force de réalisation du spectacle, nous avons ensuite choisi notre producteur délégué. L’Opéra de Montpellier s’est proposé : ils ont donc eu en charge la réalisation de la production et ont fabriqué les décors, les costumes et accessoires, et ont mis à disposition leur théâtre pour les répétitions, qui ont pu se faire dès le premier jour dans le décor, ce qui est extrêmement rare.”
Ce Voyage dans la Lune a ainsi pour base de lancement l'institution lyrique Occitane, qui s’est engagée dans ce projet et tient toujours la barre alors que planent encore et toujours des incertitudes sur la possibilité même de représenter le spectacle dans cette maison : “Il faut saluer la pugnacité de Valérie Chevalier, se félicite le chef d’orchestre Pierre Dumoussaud, qui n’a d’ailleurs rien annulé cette saison. On la sait depuis toujours protectrice des chanteurs et du chant français. Elle le démontre à nouveau en étant coproductrice de ce spectacle.” La Directrice rappelle également qu’elle fait partie du bureau du CFPL et qu’à ce titre, elle soutient “bien sûr leurs initiatives”, elle souligne également combien sa Directrice de production, Karine Joly, est très engagée auprès du CFPL, et promet : "Même si la fermeture des théâtres devait être prolongée, nous maintiendrions les répétitions jusqu'à la Générale pour que les autres reprises puissent se faire."
Cette rampe de départ va ainsi servir à pleinement lancer le projet. Le travail fait à Montpellier est déjà conçu pour servir aux autres maisons, depuis les plans artistiques jusqu’aux détails les plus concrets, comme l’explique Pierre Dumoussaud : “Le Directeur technique est à l’écoute de toutes les demandes du metteur en scène, qui a dû remanier son spectacle trois fois. Les contraintes viennent surtout du fait qu'il y a beaucoup de théâtres associés et le risque serait de se retrouver sur le plus petit dénominateur commun”, mais à cela Raymond Duffaut répond par la collaboration et l'anticipation, qui concernent et impliquent toutes les maisons et l’organisation-même : “Nous avons réuni toute une équipe technique avec une régisseuse générale qui suit toute la production, une régisseuse costume, un régisseur technique qui gère le montage dans chaque théâtre. Puisqu'il y a une vidéo très importante dans le spectacle, nous avons négocié dès le départ la location du vidéoprojecteur pour l’ensemble de la tournée. Il en va de même pour les projecteurs automatiques au niveau des éclairages. Cela permet d’obtenir des tarifs préférentiels.”
Une continuité dans la production qui viendra à la rencontre des équipes artistiques de chaque maison : “à quelques exceptions près, ce seront les forces musicales de chaque théâtre qui participeront aux reprises, indique Pierre Dumoussaud. C’est superbe pour nous, car cela nous obligera à avoir un regard différent sur la partition à chaque fois. Il est intéressant de se dire que nous allons capter un instantané du spectacle dans quelques jours, qu’on pourra le revoir dans trois ans et le comparer à ce que nous ferons alors. C’est une manière de se souvenir que nous faisons du spectacle vivant.”
Retrouver la pleine lune avec une partition complète
Le projet s’est ainsi et aussi construit avec l’apport scientifique du Palazzetto Bru Zane : “Ce sont des machines de guerre, je les adore ! s’enthousiasme Pierre Dumoussaud, chef d’orchestre qui dirigera ce Voyage de la lune en alternance avec Chloé Dufresne. C’est la troisième production sur laquelle nous collaborons. Leur force de frappe, le fond de manuscrits dont ils disposent, est incroyable. Ils sont capables de graver une partition avec une grande rapidité, et de la graver bien, sans erreurs. C’est un travail de grande qualité. Ils sont d'une grande exigence lorsqu’il s’agit de retrouver la source juste, tout en évitant tout dogmatisme : on essaie de se rapprocher au plus près du style plutôt que de la partition elle-même. D’ailleurs, la partition était retouchée sans arrêt à l’époque, y compris après la création de l'œuvre. Même si nous sommes loin d’approcher le génie d’Offenbach, nous devons nous sentir libres d’adapter la partition au lieu dans lequel on la joue, mais aussi aux voix qu’on a, voire au public qui sera présent. Ils restent très humbles face à la production qu’ils ont reconstituée, sont prêts à la modifier, à la corriger.“
Le Palazzetto Bru Zane a en effet rejoint cette aventure en partenaire privilégié, s’appuyant sur les différentes facettes de son expertise, et en l'occurrence son travail sur le compositeur : “Nous avons célébré le Bicentenaire Offenbach en 2019, relate Alexandre Dratwicki (Directeur artistique du Palazzetto Bru Zane) : l’occasion de repérer une série de titres méconnus (Les Géorgiennes, Les Bergers et d'autres qui annoncent de prochaines surprises et redécouvertes). Mais parmi tous ces événements et les chefs-d'œuvre du maître qui nous faisaient très envie, nous nous sommes gardés de proposer Le Voyage de la lune afin de participer au projet du CFPL.” Raymond Duffaut abonde : “Ils ont refait une partition complète avec un nouveau matériel musical qui est mis à disposition de l’ensemble des maisons coproductrices.”
Si toutes les parties prenantes apprécient autant le travail du Palazzetto Bru Zane, c’est que, comme toujours, les recherches et l’expertise permettant de fournir aux artistes les partitions de cette œuvre dans une telle qualité scientifique et musicale se sont révélées aussi capitales que fascinantes… et complexe : “La première surprise était de constater qu'il n'existe pas d'édition complète, se remémore Alexandre Dratwicki, mais une réorchestration partielle due à un copiste, sans partition conducteur pour le chef, et où il manque des passages, notamment pour les ballets. Autant de manques qui laissent de fait planer un doute pour la fiabilité de tous les autres morceaux. Nous sommes donc partis du manuscrit autographe, mais un autre dilemme s'est posé : Le Voyage dans la Lune a été repris par le Châtelet juste après sa création, avec la fameuse Thérésa dans le rôle de Popotte. Offenbach, pour lui donner plus de place, lui a ajouté quatre airs. Or, sur ces quatre airs, l’un est égaré et les autres s’insèrent mal dans la dramaturgie de la première version : il aurait fallu faire deux volumes différents. Nous avons donc décidé d'éditer la version d'origine, d'autant qu'elle contient certains passages qui avaient été retirés des versions suivantes : cela n'ajoutera que quelques minutes et c'est du très grand Offenbach.”
Opéra-Féerie Covid-compatible
Au-delà de la partition, le Palazzetto Bru Zane a apporté ses conseils scientifiques, comme l’explique Alexandre Dratwicki : “ce n'est pas un opéra-comique ou une opérette mais un opéra-féerie dans toutes les immenses dimensions que cela implique, avec un orchestre bien plus fourni et deux grands ballets (de 15-20 minutes chacun). Nous avons dû adapter l'œuvre, non seulement en raison des contraintes liées au Covid, mais aussi pour réduire la durée d’un opus durant 4 heures, dont la moitié de texte parlé.”
La version Covid-compatible a donc demandé de choisir comment concentrer l'œuvre en gardant son identité : “La priorité a été de couper dans les deux heures de dialogues plutôt que dans les deux heures de musique, explique le metteur en scène Olivier Fredj. Les 24 tableaux ont été conservés mais de fait concentrés, ce qui réduit d’autant la marge dans le timing pour les entrées, sorties, changements de costumes, plateaux, etc. renforçant encore le travail d’horloger que représente la mise en scène d’une telle œuvre.”
“Nous avons fait trois versions de l'œuvre, poursuit Pierre Dumoussaud. Le CFPL est parti d’une œuvre dont on sait que la création a fini à deux heures du matin, pour finalement demander à ce qu’on la joue en moins de trois heures car c’est un impératif pour certains théâtres. In fine, nous aboutissons à une version Covid qui doit tenir en deux heures sans pause. Forcément, cela reconfigure l’objet, mais nous avons travaillé très étroitement avec Olivier Fredj pour aboutir à un résultat cohérent. Surtout, nous voulions préserver les deux ballets car cela fait partie des pages extraordinaires de cette partition et cela nous rapprochait de l’esprit de la création. Vues les contraintes de distanciation, disposer de danseurs offrait aussi à Olivier Fredj des possibilités scéniques supplémentaires.”
Ces nécessités ont dû être imposées pour des raisons d’organisation et même légales : “La Préfecture a exigé qu’il n’y ait pas d’entracte, justifie Valérie Chevalier. Nous aurons tout de même 25 musiciens, ce qui se rapproche de ce qu’il y avait lors de la création à la Gaîté Lyrique en 1875. Les répétitions montrent d’ailleurs qu’on retrouve d’un point de vue qualitatif l’Offenbach des Grands Boulevards : c’est assez génial. Nous avons fait des filages très en amont pour le vérifier. C’est riche en couleurs, avec une grande finesse de détails. Pierre Dumoussaud fait cela très bien.”
Le grand enjeu, la grande difficulté de cette production est donc qu'elle doit couper une moitié de l'œuvre : “Les dialogues ont été réécrits pour gagner du temps, et ce voyage dans la lune a désormais la forme d'une série de tableaux et de morceaux musicaux, mais sans les monologues, les grandes scènes, explique Jérôme Boutillier. Nous disposons toutefois de suffisamment de répétitions pour pouvoir composer dans ce cadre l'unité de nos personnages et de la partition musicale.”
Production collégiale
Si les conséquences de la pandémie qui s’abat encore et toujours sur le monde et les théâtres étaient loin de pouvoir être prévues, toute l’organisation de ce projet avait été posée, pesée et pensée, dès sa conception, pour permettre de faire des choix collégiaux, impliquant tous les participants (ce qui permettra donc de s’adapter aux circonstances particulières et selon leur évolution) : “La mise en scène a fait l’objet d’un appel à projet, comme cela a été le cas pour plusieurs projets précédents : c’était à l’époque une idée de Nicolas Joël, explique l’ordonnateur Raymond Duffaut. Cela nous permet de recevoir à chaque fois un nombre très important de projets et de donner leur chance à de nouvelles équipes. En l’occurrence, nous avons reçu une cinquantaine de candidatures, qui ont été examinées par l’ensemble des coproducteurs. Nous en avons gardé sept, parmi lesquels celui d’Olivier Fredj et de son équipe a été sélectionné à l’unanimité.”
“J’ai véritablement tenté ma chance sur l’appel à projet, nous confirme ainsi Olivier Fredj, en faisant appel à mes vieux compagnons de route dans tous les domaines (chorégraphie, création graphiques, décors, etc.). Nous avons reconstitué une troupe avec laquelle nous voulions travailler depuis longtemps. L'œuvre est certes difficile à mettre en scène, de par ses dimensions et sa nature : elle a 24 tableaux avec à l’origine quatre actes, deux entractes : le contexte n'est plus le même. En termes de ballets, chœurs, décors, costumes, pour garder l’énergie qui fait la variété, l’intensité dramatique et les surprises (le tout concentré, adapté et transposé) : c’était un immense défi ! Par ailleurs, le public aussi n’est plus le même : aujourd'hui il a vu Matrix. L'objectif n’est donc pas de rivaliser sur les effets spéciaux mais de relever la gageure de proposer de la nouveauté avec cette œuvre, en comprenant véritablement son essence, ce qui faisait sa nouveauté et en visant à la rendre encore nouvelle.”
Mise en scène cinématographique
Le projet de mise en scène a justement été choisi pour la manière dont il répond à tous ces enjeux et ces questions, d’une adaptation qui conserve la poésie de l'œuvre, comme nous le détaille Olivier Fredj : “La mise en scène raconte une petite histoire parallèle : celle du tournage d’un film qui sert de mise en abyme pour ce voyage et permet de créer les épisodes sans sortir de l’intrigue. Nous pouvons ainsi passer d’un univers à l’autre, avec la dynamique du tournage. C’est une manière de maintenir le merveilleux et la féerie : de montrer comment tout est fabriqué. Le spectateur voit ainsi (par exemple) la machine à fumée et la voit s’activer plutôt que de voir seulement l’effet de fumée. Les rares mises en scène connues de cet opus opposent un univers de la bourgeoisie sur Terre à un monde lunaire féerique, nous faisons le passage de la Terre en noir et blanc à l’univers galactique en couleurs (avec une multitude d’accessoires pour chaque tableau, un univers graphique, et des projections vidéo).”
C’est en effet ce choix qui a convaincu le CFPL et Raymond Duffaut : “Il a voulu rester fidèle à l’ouvrage bien qu’il soit extrêmement difficile à monter. Les coproducteurs ont été séduits par la manière dont il voulait l’aborder, comme un tournage de film dans l’esprit de Méliès, en noir et blanc, avec des projections. Cela lui permet de conserver le côté féérique.” “Les subterfuges de la vidéo permettent aujourd'hui de proposer ce voyage intergalactique, confirme Alexandre Dratwicki. Les spectateurs contemporains ont des attentes et des références visuelles, de Star Trek et Star Wars sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour cette œuvre.”
“L’univers d’Olivier Fredj est vraiment incroyable, s’enthousiasme Violette Polchi, interprète du Prince Caprice : tout ce qui orbite autour de la Terre est tellement passionnant. C’est d’ailleurs un thème récurrent : Georges Méliès ou Jules Vernes racontaient déjà ces histoires, James Gray avec Ad Astra ou Christopher Nolan avec Interstellar en font de même aujourd’hui. Jean Lecointre, qui est en charge de la scénographie, propose un univers très fifties qui enrichit notre imaginaire, avec beaucoup d’anthropomorphisme, comme Méliès avait pu le faire, d’ailleurs.”
“Les tableaux présentent de très beaux univers fantasmagoriques, un peu psychédéliques : un ton riche et une unité qui permettent de s'y couler, décrit également Jérôme Boutillier. Il sera dynamisé par des acrobates, danseurs, le tout avec distanciation mais dans le plaisir de se retrouver pour une belle expérience humaine.”
Profondeur en Gravité réduite
Cet esprit, de l’œuvre, de la mise en scène et du casting résonne ainsi directement avec l’esprit d’Offenbach : un humour fait de légèreté, mais qui révèle des abysses de profondeur (et de métier). “Toute comédie est complexe car le comique ne souffre pas la médiocrité ni le moindre défaut dans le timing. Chaque entrée, chaque sortie doit donc être millimétrée et répétée dans le détail”, rappelle le metteur en scène. Une œuvre d’Offenbach, notamment celle-ci, est en fait une longue et grande chorégraphie : non pas seulement par la présence de la danse, mais parce que tout le spectacle doit avoir sa dynamique physique et musicale. “Anouk Viale s'occupe de cette chorégraphie, si importante dans les opérettes : il faut que tout soit vivant, que tout bouge, confirme Pierre Derhet (interprète du Prince Quipasseparlà). Tous les solistes participent à ce mouvement scénique et elle nous aide à trouver les petites finesses dans le personnage.”
Ce dynamisme et cet esprit de légèreté n’ôte rien à la profondeur et à la richesse de cette œuvre, bien au contraire comme le rappelle ainsi Jérôme Boutillier : “on ne fait jamais rire sans montrer de la tristesse. Les ressorts comiques des personnages ne sont pas dans la force mais dans la faiblesse.” La satire sociale est ainsi à la base de l'opérette comme le confirme Alexandre Dratwicki du Palazzetto Bru Zane : “les œuvres d'Offenbach jouent beaucoup sur les décalages qui permettent de critiquer la société : les intrigues se passent loin ou mettent en scène des personnages étrangers, mais pour faire parler les travers de la société bourgeoise parisienne d'alors. Le Voyage dans la Lune (avec en outre tous ses jeux de mots possible) met notamment à l’honneur le Roi Cosmos qui verse son propre argent dans la caisse pour équilibrer les comptes de l'État. Les dignitaires naissent tous avec 50 médailles et passent leur vie à essayer de s'en débarrasser (pour chaque grande action qu'ils accomplissent, on leur enlève une décoration lors d’une cérémonie très officielle). La mise en scène d'Olivier Fredj montre justement la modernité des sujets de cette œuvre. Les femmes mangeant des pommes assument leurs désirs, apportant aussi une lecture plus féministe : le voyage et la conquête d'une volupté revendiquée. Seul le Roi cosmos a un problème avec la libération féminine, ce qui le montre comme un misogyne machiste.”“J’ai évité d’en faire une transposition contemporaine, précise le metteur en scène Olivier Fredj : j’ai ajouté des éléments actuels sur le plan visuel, comme des références, mais en restant le plus neutre dans le texte, en hésitant beaucoup à changer quoi que ce soit, pour ne laisser dans les clins d'œil que ce qui fait absolument rire. L’idée était de rendre universelles les références : le fait que le personnage de Cascadine soit une riche actrice-cocotte entretenue par les mécènes était ainsi tellement éloignée de nous qu’elle était devenue une référence trop datée, mais nous n’avons pas voulu non plus en faire une influenceuse d'aujourd'hui. Et puis il ne faut tout de même pas faire semblant d’oublier que l’homme a bel et bien marché sur la Lune depuis… alors on raconte une histoire ancienne ou plutôt dans un monde imaginaire.”
“Le Voyage dans la Lune est un trajet complètement allégorique, élabore Jérôme Boutillier en interprète avec un regard précis et une analyse fine de ce qu’il doit défendre. L'œuvre est bien entendu une satire de la société bourgeoise de l'époque, mais résonne aussi avec notre temps. Ce voyage initiatique permet de se rendre compte que les préoccupations de l'époque restent actuelles. Malgré l'immense bond technologique, l'humain ne change pas et tout nous ramène aux tragédies grecques, base de l'opéra."
Le travail s’est ainsi fait “dans une harmonie rare et précieuse, selon le metteur en scène, entre la production et la direction artistique : la dramaturgie de l’œuvre justifiait les choix musicaux et nous avons choisi ensemble, avec le duo en alternance à la baguette, les coupes selon l’histoire que nous racontons. Par exemple, l’air de Quipasseparlà est coupé en trois avec des dialogues entre chaque partie, ce qui nous permet de maintenir une narration alors que nous coupons les scènes autour. Nous avons beaucoup travaillé sur le lien entre la musique et les dialogues, cette alternance qui est toujours théâtralement un peu étrange dans ce genre. Nous avons trouvé une construction qui maintient la continuité musicale et dramatique en employant notamment le mélodrame. Nous avons par exemple utilisé deux pages entières de la Polka du ballet de la neige pour en faire un mélodrame juste avant : exactement comme le faisait Offenbach, en utilisant des morceaux d’une section à l’autre, d’une œuvre à l’autre.”
De la suite dans les idées
Le CFPL se lance ainsi dans cette grande aventure pour les trois saisons à venir, sachant qu’elle saura s’adapter comme elle s’est adaptée aux contraintes de la période actuelle. Le Centre Français de Promotion lyrique prépare aussi un nouveau concours Voix Nouvelles, probablement dans dans deux ans comme nous le confie Raymond Duffaut, “puis une autre coproduction nationale deux ans plus tard. Ces coproductions ont beaucoup d’avantages, mais ce ne peut pas être un modèle pérenne et récurrent pour l’ensemble des maisons d’opéra : il est essentiel que chaque opéra garde son identité et sa spécificité, pour ne pas tomber dans une banalisation. La prochaine coproduction sera pour mon successeur car je continue ces activités par passion après avoir déjà pris ma retraite de l’Opéra d’Avignon et des Chorégies d'Orange depuis un bon moment. Il faut savoir passer la main : cela ne devrait pas tarder.
Parmi nos activités figurent aussi des auditions nationales que nous organisons une fois par an : nous entendons tous les chanteurs qui le souhaitent et en sélectionnons une douzaine pour un grand concert à Paris. Nous invitons toute la profession, notamment les directeurs d’opéra et les agents.”