La Symphonie des Mille aux Chorégies d'Orange, 2ème partie : Effectif exceptionnel
1ère Partie : Genèse & Création Triomphale
2ème Partie : Effectif exceptionnel
3ème partie : La Symphonie des Mille dans l'œuvre de Mahler
Symphonie des 1000 (et même des 1015)
Pour la création de la Symphonie n°8, sont engagés pas moins de 850 choristes (dont 350 enfants), 157 instrumentistes et les 8 solistes. La Symphonie des Mille aurait donc pu s'appeler la Symphonie des 1015, sauf que ce chiffre moins rond est moins marquant, d'autant qu'il n'est pas absolument certain que tous les artistes aient bien pu arriver à l'heure le jour de la création (plusieurs recensions en doutent fortement) !
Outre le nombre d'interprètes, c'est la présence vocale qui rend cette œuvre unique et -là encore- non pas seulement en raison du nombre de chanteurs mais de la place continue de la voix dans cette œuvre.
La Symphonie n°8 de Gustav Mahler ne cantonne pas le chant à certains mouvements, chant qui n'est pas un “point d'orgue” final comme dans le modèle que représentait la 9ème de Beethoven mais il est un élément essentiel tout au long de l'œuvre. Mahler lui-même était conscient de cette dimension unique et considérait cette Symphonie vocale comme l'aboutissement de ses œuvres précédentes.
En cela, ce n'est pas uniquement le nombre qui compte et l'effectif doit aussi être adapté aux lieux, comme nous l'explique Jean-Louis Grinda, qui a choisi de programmer cette œuvre l'été prochain pour marquer les mémoires à l'occasion du 150ème anniversaire des Chorégies d'Orange par un événement majeur : « Plus d'un demi-millier d'artistes seront présents aux Chorégies pour interpréter la Symphonie n°8 de Mahler le 29 juillet au Théâtre Antique à 21h30. Iil ne serait pas raisonnable d'installer mille musiciens sur scène en raison de l'éloignement latéral vis-à-vis du chef. Le son sera ainsi bien concentré et bien fourni dans cette acoustique exceptionnelle ! »
Le Directeur des Chorégies confirme ainsi combien cette Symphonie -qu'elle soit des 1000, des 1015 ou des 500- a une dimension unique intrinsèque : « Orange fait toujours de l'Opéra, mais cette Symphonie rare sera l'œuvre emblématique de cette édition anniversaire : un opus majeur du répertoire et qui permet de réunir des phalanges. » Rappelant la création de cet opus, Jean-Louis Grinda nous confie combien la réunion de tels effectifs est un immense travail de préparation et de diplomatie ! L’édition 2019 des Chorégies réunira ainsi pour cette occasion exceptionnelle l’Orchestre Philharmonique de Radio France, l’Orchestre National de France, le Chœur & Maîtrise de Radio France ainsi que le Chœur philharmonique de Munich [réservations à partir de 39 €] sans oublier les solistes à retrouver dans notre prochain épisode.
« C'est une œuvre qui élève, poursuit Jean-Louis Grinda, avec tant d’enjeux esthétiques. Notre métier est justement de savoir jusqu'où aller trop loin. Il faut susciter une confiance auprès des institutions et du public, et dès lors, il est possible, voire indispensable, de susciter la curiosité, intéresser et surprendre le public. Nous ne sommes pas là pour donner aux gens ce qu'ils aiment (déjà) mais ce qu'ils pourraient aimer. Ne penser qu’à la jauge à remplir, aux 8.500 places mène à ne rien entreprendre. Même les blockbusters (Aida, Le Trouvère, Rigoletto) ne fonctionnent plus automatiquement, plus aussi bien : si le meilleur restaurant du monde ne change jamais sa carte, vous n'irez plus. Sans doute Gustav Mahler n'aurait pas entrepris, lui non plus, la composition de cette œuvre titanesque s’il n’avait pensé qu’aux obstacles. »
DIMENSIONS
Dans le domaine de la symphonie, la 8ème de Mahler est un sommet avec sa durée moyenne culminant à 1h20 (la musique étant un art vivant et les œuvres pouvant ainsi être interprétées plus ou moins rapidement selon les choix du chef d'orchestre et les capacités des musiciens). Parmi les œuvres symphoniques célèbres du répertoire, Mahler n’est dépassé que par… Mahler : sa Troisième Symphonie dure entre 1h30 et 1h45.
Parmi les compositeurs moins renommés, le record en terme de longue symphonie semble toutefois appartenir à la Première Symphonie d'Havergal Brian, œuvre surnommée "La Gothique" (1876-1972) qui dure 1h45. Elle a d'ailleurs demandé 8 années de travail à son compositeur et il fallut attendre 30 ans supplémentaires pour qu'elle soit créée, sous la direction de Bryan Fairfax en 1961 au Westminster’s Central Hall, mais en l'absence du compositeur qui n'entendra son œuvre que cinq années plus tard, à l'âge de 90 ans, conduite par Adrian Boult au London’s Royal Albert Hall en 1966.
Les compositeurs modernes ont certes repoussé bien plus loin les limites temporelles des œuvres musicales "classiques". Sleep de Max Richter (né en 1966) conçue comme une "berceuse personnelle pour un monde frénétique" dure huit heures (faite pour être écoutée en pyjama et en dormant, y compris dans la salle de concert). Le 2ème Quatuor à cordes de Morton Feldman (1926-1987) dure six heures. L'Histoire de la photographie en son pour piano solo, par Michael Finnissy (né en 1946) dure 5h30.
Nous avons également dédié une série d'Airs du Jour aux opéras les plus longs