Plongée dans Koma à l'Opéra de Dijon : Épisode 2, héritier de Carmen, Traviata, La Bohème
Épisode 1 : Plongée dans Koma
Épisode 2 : Koma, héritier de Carmen, Traviata, La Bohème
Épisode 3 : Entre-deux mondes
Épisode 4 : Orchestre, Musique, Chant
Koma est avant tout une expérience sensorielle unique mais c'est un opéra avec une intrigue et des personnages (parlant allemand), qu'il est donc d'autant plus important de connaître en amont, grâce à notre dossier. D'autant que de nombreux éléments de cette œuvre sont déjà familiers, s'inscrivent dans une tradition théâtrale et lyrique :
Koma, héritier de Carmen, Traviata, La Bohème
Créé en 2016, Koma est empli de références plus ou moins directes à de célèbres opéras. Le personnage central de Michaela rappelle immédiatement Micaëla, la soprano principale dans Carmen de Bizet, la promise de Don José : Michaela et Micaëla sont victimes d’un amour rendu impossible par l’éloignement physique et la mort.
Poursuivant le registre des références, la sœur de Michaela se prénomme Jasmin, ce qui fait penser à Aladin (dont il existe notamment un opéra composé par Kurt Atterberg en 1941) mais aussi au légendaire Duo des fleurs dans Lakmé, opéra de Léo Delibes dont l'air commence ainsi : "Dôme épais le jasmin".
Drame, tromperie, deuil, déni
Koma, comme tant d’opéras, traite donc d’amour et de tromperie, mais cet opus est précisément une quête pour ressusciter un personnage endormi en fouillant ses souvenirs et le ramener à la vie en lui faisant retrouver et exprimer des images passées. Mais toutes ne sont pas bonnes à exhumer.
Michaela est mariée avec Michael, mais elle a eu une relation avec son beau-frère, c’est-à-dire le mari de sa sœur Jasmin, nommé Alexander (dont l’interprète, contre-ténor, incarne d’ailleurs également la mère, sa tessiture figurant le masculin et le féminin).
L’enjeu est donc celui du choix entre deuil et déni. Ici, la famille parle d'accident alors qu’il s’agit vraisemblablement d’une tentative de suicide par noyade dans un lac glacé (qui rappelle la tragique fin de l’écrivaine Virginia Woolf qui se noya l'âge de 59 ans en lestant ses poches de pierres avant de s'immerger dans la rivière Ouse). Précisément, l’opéra a une qualité unique parmi les arts : la polyphonie. Plusieurs sons peuvent s’exprimer en même temps et se contredire. Dès les origines de l’opéra et jusqu’à nos jours, les compositeurs font chanter un mensonge par un personnage tandis que l’orchestre exprime les intentions cachées par des caractères musicaux divergents. C’est le cas dans cet opus.
Deuil
La mort est omniprésente à l'Opéra. Traditionnellement elle frappe les personnages principaux à la fin du drame (les trois personnages principaux meurent dans Tosca de Puccini, toutes sauf une meurent dans Dialogues des Carmélites de Poulenc, un peuple entier est éradiqué à la fin de Samson et Dalila) et ceux qu'elle laisse vivants doivent en souffrir les conséquences (les héros de La Bohème de Puccini, de Traviata ou Luisa Miller de Verdi, l'enfant de Wozzeck n'ont plus que leurs yeux pour pleurer). Nombre d'opéras traitent de la mort et du deuil d'autres personnages mais traditionnellement l'héroïne expirant est la prima donna (la chanteuse principale). Ici ce sont les autres qui pleurent une crainte de la mort. La mort est même un point de départ : l’héroïne est comme déjà morte avant le début de l’histoire, mais elle pourrait être sur le chemin de la résurrection…
Souvenir, Nostalgie
L'Opéra est une mine inépuisable d’airs chantant la nostalgie, le souvenir, depuis -entre autre- “Remember me” (lamento funèbre de Didon composé par Purcell) jusqu’à Memory dans la comédie musicale Cats. Un grand air du répertoire célébrant le souvenir (spécifiquement auditif) est “Je crois entendre encore” dans Les Pêcheurs de perles de Bizet.
Le souvenir est au cœur de l'Opéra Koma, tous les personnages essayant de ranimer l'héroïne en lui faisant retrouver des images, des sensations, des souvenirs. Cela étant, les souvenirs sont tous tristes, endeuillés : notamment la trace du petit chat que Michaëla voulait garder sur les draps de son lit après la mort de l'animal (la question était d'ailleurs d'euthanasier ou non le petit chat, une question qui résonne immanquablement avec l'état de l'héroïne dans le coma qui aurait pu avoir attenté à ses jours).