Récapitulatif de saison 2017/2018 : itinéraire en Île-de-France
Par-delà les productions de l'Opéra de Paris (dont nous rendions compte ici), la région d’Île-de-France fut le théâtre d'une programmation riche et audacieuse cette saison, avec de multiples (re)créations, des nouvelles productions et des reprises pertinentes où se sont illustrés des artistes exceptionnels.
L'Opéra Comique, d'abord, est le lieu de la redécouverte de La Nonne sanglante de Gounod, œuvre longtemps oubliée et dont la distribution (le magnifique Michael Spyres en tête) assure un triomphe. La salle Favart reçoit également le délicieux Domino noir de Daniel-François-Esprit Auber en co-production avec l'Opéra de Liège ainsi que Le Comte Ory qui brille par une distribution homogène dans l'excellence. L'utilisation de la vidéo est également de la partie avec la production de La Flûte enchantée de Mozart par le collectif londonien 1927 aux projections aux allures de cartoon. À côté des ouvrages du répertoire, l'institution accueille de nombreuses créations, à commencer par l'exigeante Princesse légère de Violeta Cruz. La recomposition se fait nouveauté avec Et in Arcadia Ego entre ombres et lumières suivi de Miranda, enterrée sur des airs de Purcell sous la direction de Raphaël Pichon. Enfin, le public découvre le Kein Licht de Philippe Manoury, une création qui ne manque pas de chien. Notons également que la salle Favart accueille l'édition 2018 du concours Voix Nouvelles dans lequel Hélène Carpentier s'est illustrée.

Notre itinéraire se poursuit au Théâtre des Champs-Élysées, sous la voûte duquel brillent productions et interprètes, avec dans un premier temps un Barbier de Séville à deux distributions, laissant aux jeunes voix l'occasion de s'illustrer sur scène, suivi d'un autre Barbier, jeune, participatif mais exigeant. Après un triomphe pour la reprise des Dialogues des Carmélites par Olivier Py, le théâtre offre deux productions baroques avec les plus belles voix de ce répertoire : un Alcina enchanteur incarné par la superlative Cecilia Bartoli, suivi d'un sobre et intense Orphée et Eurydice avec le trio d'exception Jaroussky - Petitbon - Baráth. Tradition au sein de l'institution : proposer des opéras et oratorios en version concert, l'économie de moyens sublimée par des interprètes parmi les plus prestigieux. Pléthore de rôles-titres sont ainsi animés : la Lucia di Lammermoor de Jessica Pratt, l'Attila d'Erwin Schrott, le flamboyant Rinaldo de Xavier Sabata, un Faust originel et original, le captivant Jules César de Lawrence Zazzo suivis d'une déconcertante Clémence de Titus par Currentzis, un Macbeth à la vocalité ardente mais aussi une Madame Butterfly venue d'Orange. Et au sensible Pelléas et Mélisande de Claude Debussy avec le duo Andrieux-Devieilhe répond en fin de saison le Samson et Dalila de Saint-Saëns avec le couple Alagna-Lemieux, l'occasion de la prise de rôle de la chanteuse dans la continuité de celle du ténor à Vienne. Dans le même temps, s'illustrent en récital le lumineux Franco Fagioli, suivi du radieux Juan Diego Florez et de Sonya Yoncheva pour un somptueux concert Verdi. L'institution présente par ailleurs un sublime concert hommage à Claude Debussy par l'Orchestre Lamoureux ainsi qu'un Gala Mozart contre le cancer.
En guise des trois coups, la Philharmonie de Paris reçoit Sir John Eliot Gardiner pour une ouverture monteverdienne avec l'Orfeo, Le Retour d'Ulysse et Le Couronnement de Poppée. Les chanteurs confirmés laissent la place aux fraîches voix du CNSM dans un Jules César multicolore, lequel est suivi du Falstaff de Verdi en version concertante, ultime opéra du compositeur où tutto nel mondo è burla. Après le bel canto, place au romantisme passionné avec la première moitié de la Tétralogie portée par le Gergiev et le Mariinsky (L'Or du Rhin et La Walkyrie), lesquels laissent la place à Nina Stemme qui enflamme les lieux en Elektra. Tout au long de la saison, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion proposent, à travers le cycle « Bach en sept paroles », un voyage thématique dans l'œuvre du Kantor de Leipzig autour d'une programmation sciemment composée (les Lumières, les Châtiments, etc.). En récital, Jonas Kaufmann et Diana Damrau offrent un cadeau de Saint-Valentin, cette dernière de retour sur scène ensuite pour un hommage au Grand Opéra. L'auditoire est ensuite transporté par le voyage mirifique de Sabine Devieilhe et par la soirée franco-russe réunissant en duo Olga Peretyatko et Benjamin Bernheim.

À Versailles, une programmation royale est de convenance ! Avec, par-delà le Ballet Royal de la Nuit enflammé par l'Ensemble Correspondance de Sébastien Daucé, Cosi fan Tutte ou la revanche de Don Giovanni (concluant la trilogie Mozart-da Ponte), suivi de délices baroques avec un Serse magistral incarné par Franco Fagioli, le labyrinthe sensuel et amoureux d'Erismena, Le Tremblement de terre, chef-d’œuvre de Draghi ressuscité à la Chapelle royale, mais aussi l'éternel Messie de Haendel dirigé par Jordi Savall. Étonnante surprise, une Carmen gitane investit les ors royaux incarnée par Dara Savinova. En récital, Sabine Devieilhe et Franco Fagioli triomphent, la première autour d'un programme romantique, le second avec Haendel et ses arias italiennes.

De retour à Paris, arrêtons-nous aux Bouffes du Nord où résonne en ouverture de saison Traviata - vous méritez un avenir meilleur, réinvention du chef-d'œuvre de Verdi mise en scène par Benjamin Lazar suivi du Beggar's Opera de John Gay, production de Robert Carsen créée in loco et point de départ d'une gigantesque tournée. Deux « bouffonneries musicales » en un acte égaillent par ailleurs la saison des Bouffes : Les Deux Aveugles d’Offenbach et Le Compositeur toqué d’Hervé. Rendez-vous important dans la saison musicale de l'institution, le concert des Révélations classiques de l’ADAMI réunit huit jeunes solistes lyriques et instrumentistes lors d’une belle soirée lyrique. À deux pas du Palais Garnier, l'inventivité et l'audace à l'Athénée, avec Notre Carmen, réinvention fracassante de l'opéra de Bizet par le collectif de théâtre musical berlinois Hauen und Stechen, le coup de fouet de la Passion selon Sade de Bussotti dans la mise en scène d'Antoine Gindt et Moscou Paradis, seule comédie musicale de Chostakovitch, opus qui fait ainsi son entrée au répertoire parisien, alors qu'à l'Éléphant Paname, une myriade de talents se produit en récital sous le plafond de verre scintillant du Dôme (Florian Sempey, Stanislas de Barbeyrac, Elsa Dreisig, Aude Extremo et Chiara Skerath, notamment). Et tandis que les british King's Singers fêtent leurs 50 ans à la Salle Gaveau, la comédie musicale Singing in the rain fait résonner les mélodies de Broadway hors des murs du Châtelet (au Grand Palais) sous la pluie parisienne.