Décès de Geori Boué : la perte d'une grande voix française
Georgette Boué, surnommée Geori, est décédée hier à Paris à l'âge de 98 ans, après une vie entièrement consacrée au chant. Particulièrement précoce, la soprano débute dans sa ville de naissance, au Théâtre du Capitole de Toulouse dès l'âge de 17 ans après avoir étudié le piano et la harpe. Elle se distingue très vite par sa diction remarquable et son jeu de comédienne qui lui permettent de prêter sa voix à la fois à l'opéra et l'opérette. Sa carrière prend son essor avec le rôle de Mimi dans La Bohème qu'elle chante à l'Opéra Comique de Paris en 1939 puis en 1942 à l’Opéra Garnier. Remarquée par le compositeur Reynaldo Hahn, ce dernier lui offre le rôle-titre de Mireille (Gounod) puis celui de son opérette Ciboulette en 1953. Entre temps, elle est également repérée par le librettiste et réalisateur Sacha Guitry, présent lors de son interprétation de Thaïs à l'occasion du centenaire de Massenet. Celui-ci lui propose dès la fin de la représentation d'interpréter le rôle principal de la chanteuse dans son film La Malibran (légende lyrique du début du XIXe siècle), tourné en 1943.
Le succès de Geori Boué est tel qu'elle redoute les fins de représentations, fortement mouvementées par des spectateurs qui tentaient de lui arracher un bout de ses vêtements à sa sortie. Invitée dans divers opéras du monde, elle chante notamment Eugène Onéguine de Tchaïkovski ainsi que Madame Butterfly au Bolchoï à Moscou. Après s'être produite dans nombre d'opérettes dont Mozart, réunissant Reynaldo Hahn et Sacha Guitry, La Belle Hélène ou encore La Veuve Joyeuse (Franz Lehar), Geori Boué se retire des scènes en 1973 et enseigne l'Art Lyrique au Conservatoire de Boulogne Billancourt.
La voici dans le rôle-titre de La Malibran, interprétant le dernier air de Desdémone, La canzone del salice (La Chanson du saule) dans Otello ou Le Maure de Venise de Rossini. Chanté à plusieurs reprises du vivant de la diva Maria Malibran, cette ballade triste est interprétée en français à l'aide des deux instruments de prédilection de Geori Boué, la harpe et la voix. D'une voix au fin vibrato, la soprano chante une Desdémone à la fois inquiète et rêveuse qui pressent sa mort prochaine, soupçonnée d'infidélité par son mari Otello.