Maria Callas : la femme et la légende en bande dessinée
« Il y a deux personnes en moi. Je voudrais être Maria, mais il y a la Callas dont il faut que je sois à la hauteur. Je fais avec les deux autant que possible ». La déclaration de « La Divine », au cours d’un entretien pour la télévision américaine avec David Frost en 1970, résonne dans l’esprit du lecteur tant l’ouvrage s’emploie à illustrer la mise en tension permanente de la femme et de la cantatrice, ce à quoi elle aspirait dans sa vie personnelle et l’image publique, souvent faussée, que la presse à charge renvoyait.
La vie de Maria Callas n’a pas été, de loin, une succession de bonheurs, et le découpage de la bande dessinée selon les codes de la tragédie grecque apparaît ainsi naturel, avec prologos, stasimon, exodos final (entrée, commentaire, sortie), entrecoupés d’épisodes marquants de sa vie, dans la sphère privée de Maria comme dans la carrière de La Callas.
De la mère arriviste et méprisable à l’union avec Meneghini, de la perte de poids phénoménale pour devenir une icône d’élégance à la trahison d’Onassis, chaque épisode dresse le portrait touchant et émouvant de la personnalité de Maria.
Les épisodes qui se réfèrent à la carrière sont minutieusement rapportés, des triomphes à la Scala au scandale de l’ouverture de saison à Rome avec l’interruption de Norma en 1958. Dans cet épisode en particulier, Vanna Vinci donne l’occasion à sa Callas d’encre et de papier de confronter son point de vue sur cet événement au regard des manchettes assassines des journaux de l’époque.
Le chœur de celles et ceux qui l’ont entourée, soutenue, aimée ou raillée, forme des stasimon enrichissants, par la variété des personnages, de Elvira de Hidalgo à Pasolini. Quelques touches de merveilleux sont disséminées ça et là avec des génies morts avant sa naissance, lorsque Verdi lui-même, Euripide (dont Médée est citée pour commenter la chute de la femme et de la cantatrice) et Sarah Bernhardt (morte l'année de naissance de Callas) vantent les qualités de celle qui fut aussi une grande tragédienne.
Le dessin au tracé net en noir et blanc est agrémenté de touches de couleurs selon les épisodes, jusqu’à prendre la forme et le canon des vases antiques ocres et noirs. Sont bien sûr présents les yeux magnétiques ourlés du célèbre trait de crayon noir, la bouche vermillon, les parures qui subliment la Callas pour la Medea de Pasolini.
La riche documentation qui a servi à construire cette bande dessinée, ainsi que l’esthétique, contribuent à faire de cet ouvrage un outil de découverte pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas la Callas dans les détails, et à conforter ses aficionados dans l’idée que Maria Callas reste jusque dans ses imperfections vocales, tout simplement, la Divine.