Assignation à résidence levée contre le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov
Mai 2017 : des perquisitions sont effectuées au domicile de Kirill Serebrennikov, son chef-comptable et son producteur sont mis en détention provisoire, l'ancien directeur de sa troupe de théâtre est assigné à résidence, suscitant une vague d'indignation (avec intervention d'Isabelle Huppert durant la cérémonie des Molières, ainsi qu'une tribune signée par Béatrice Dalle, Olivier Py, Thomas Jolly, Denis Lavant, entre autres).
Mardi 22 août : le metteur en scène russe âgé de 47 ans, Kirill Serebrennikov, également cinéaste et Directeur artistique du Centre Gogol de théâtre contemporain dans la capitale est interpellé à Saint-Pétersbourg, transféré à Moscou et mis en garde à vue.
Mercredi 23 août : menotté, escorté par des policiers cagoulés, l'artiste est présenté en comparution immédiate devant la cour du tribunal de Basmany, à Moscou, qui décide de son assignation à résidence surveillée avec interdiction des communications extérieures. Il est accusé d'avoir détourné l'équivalent d'un million d'euros de fonds public entre 2011 et 2014 pour le projet « Plate-forme » et encourt une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Kirill Serebrennikov qui n'a jamais fui durant l'enquête (alors que ses activités internationales lui en auraient laissé tout le loisir) dénonce cette assignation à résidence et clame son innocence, attestant que la subvention a bien été utilisée, afin de représenter -plus de 100 fois !- le Songe d'une nuit d'été.
Lundi 4 septembre : la justice russe rejette l'appel de Kirill Serebrennikov, son assignation à résidence est de fait confirmée jusqu'au 19 octobre et elle peut être prolongée (ce qui est souvent le cas jusqu'au procès). L'avocat de l'accusé demandait en outre 3 heures de promenade quotidienne pour son client, la cour lui en accorde deux.
Découvrez une bande-annonce pour Le Disciple, film réalisé par Kirill Serebrennikov, retenu en sélection officielle "Un certain regard" au Festival de Cannes 2016 :
Les soutiens du "trublion de la scène russe" se multiplient, accusant le gouvernement de censure et de manipulation. Parmi eux figurent de grandes figures de l'opposition comme le satiriste anti-Poutine Viktor Chenderovitch, le cinéaste Alexeï Outchitel, la réalisatrice russo-arménienne Anna Melikian, l’écrivaine Ludmila Oulitskaïa, mais également le présentateur de télévision Andreï Malakov, ou le chanteur populaire Kirkorov. Vladimir Ourine, le Directeur général du prestigieux Théâtre Bolchoï (qui a pourtant reçu un récent satisfecit de Poutine en personne) s'est même fendu d'un soutien par écrit (le ballet Noureev mis en scène par Kirill Serebrennikov y avait été déprogrammé en juillet sans ménagements).
Dès la fin août, le célèbre metteur en scène Thomas Ostermeier organisait une manifestation devant l’ambassade de Russie à Berlin avec son dramaturge Marius von Mayenburg, et lançait une pétition de soutien, signée par 10.000 personnes, dont le Prix Nobel de littérature Elfriede Jelinek, parmi de nombreuses personnalités culturelles.
Le Président Vladimir Poutine a contesté toutes ces accusations, il n'y a « pas de censure, pas de pression » a-t-il déclaré ce 5 septembre 2017 suite au sommet des BRICS (grands pays émergents) durant une conférence de presse à Xiamen, en Chine. Le quai d'Orsay a fait part de sa "préoccupation" quant au sort de cet artiste russe reconnu à l'international, notamment dans le domaine de l'opéra.
[Mise à jour du 8 avril 2019], la justice russe annonce la levée de cette assignation à résidence, mais Kirill Serebrennikov a pour ordre de rester sur son territoire national. Le metteur en scène a pourtant des mises en scène déjà programmées pour les saisons prochaines à travers l'Europe. Cette mesure ne devrait toutefois pas l'empêcher de continuer à travailler comme il le faisait sous le coup d'une assignation à résidence : par des envois de clés USB et en donnant des instructions à distance sur la base de vidéos. Il avait même réalisé un film -sorti le 5 décembre 2018 et présenté à Cannes- consacré à la scène rock dans les années 1980 à Leningrad : Leto.
[Mise à jour du 11 septembre 2019], la justice lève l'interdiction de voyage et renvoie l'affaire au Parquet qui doit réexaminer les chefs d'accusation "contradictoires".