Les Oiseaux à l’Opéra du Rhin : L’Aigle et Zeus
Antoin Herrera-López Kessel chantera le rôle de l’Aigle, “partie très courte, passage dans lequel je regarde tous les êtres humains et je me demande ce qu'ils veulent de nous, les oiseaux, qui sommes si proches des cieux (à fortiori mon personnage de l'Aigle). J'aime chanter ce rôle d’Aigle avec un legato ample et précis et je vais en proposer un tempo encore plus lent pour vraiment profiter de ce caractère aérien et spatial (et aussi pour profiter au maximum du peu de temps que j'aurai pour montrer ce bel canto). Le tempo permet de très bien prononcer et déployer le lyrisme de la langue allemande avec sa prononciation précise, c'est une musique très bien pensée. C'est une belle musique.
Le début de l’intervention de l’Aigle me fait aussi penser à l’invocation de Méphistophélès, cette musique a donc aussi du grand répertoire français en elle (et réciproquement). Pour ma voix de baryton-basse, son chant est très central et cette partie me convient donc très bien, permettant de montrer beaucoup de richesse dans le timbre. Pour l’incarner je peux aussi m’appuyer sur ma mémoire émotive et m'inspirer d’une expérience marquante que j’ai vécue, pour trouver un son qui puisse aussi y ressembler : en 2019, j'étais en Californie pour le Ojai Music Festival. Je faisais de la randonnée avec des collègues de la production (et des pompiers-secouristes pour nous accompagner car il peut y avoir du danger). À un moment nous avons dû nous arrêter et nous ne pouvions plus parler parce qu'un Aigle impérial produisait un son tellement inouï, incroyable, indescriptible, comme si un avion passait près de nous. Le son était tellement fort, qu'on voyait à peine au loin une forme bouger et pourtant on entendait le battement de son cri et dans son vol.”
Comme le rappelle Antoin Herrera-López Kessel, l’Aigle avertit également toute l'assemblée qu’il a vu Zeus. La “Voix de Zeus” dans cet opéra peut être interprétée par l’Aigle (renforçant le lien à l’altitude), par Prométhée (renforçant le lien aux divinités) ou bien comme ce sera le cas à l’Opéra National du Rhin, par un artiste du chœur, donc un des oiseaux (il s’agira de la basse, donc plus grave encore, Young-Min Suk).
Le choix modifie donc la couleur de la tessiture de Zeus et joue aussi sur les oppositions (Zeus menace les oiseaux comme il a puni Prométhée). Tout au long de l’opéra il est cité avec inquiétude par les personnages et n’intervient finalement qu’à la fin de l’opéra, avec seulement sept mots et quatre répliques où il appelle les vents : “Nord ! Sud ! Venez à moi ! Abattez-le !” puis il fait tomber la foudre sur les oiseaux qui se prosternent alors.
“Dans cet opéra, Zeus n'apparaît que comme une voix, mais c'est un rôle très percutant dans l’histoire et dans la musique orchestrale qui illustre la tempête, explique Young-Min Suk. Le fait que Zeus ne soit pas montré souligne sa majesté et son mystère. Sa voix est celle de la colère, contre la rébellion des oiseaux, mais elle ne doit être ni tendue ni tremblante : le Dieu des dieux est résolu à corriger les mauvais jugements des oiseaux. C’est à cela que je veux apporter le leste de ma basse, pour imposer le grave et soutenir aussi les notes aiguës. Pour l’interpréter, je m’inspire aussi d’un rôle de géant, que je tenais dans Souvenirs envolés, un opéra pour enfants composé par Olivier Dejour. La scène ne montrait que la grosse tête du géant, sur laquelle vivaient les gens qui finissaient par le réveiller avec leur agitation” : exactement comme les oiseaux.
Retrouvez Les Oiseaux de Walter Braunfels en création française à l'Opéra National du Rhin, du 19 au 30 janvier 2022 à Strasbourg, les 20 et 22 février à Mulhouse
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1- Bonespoir
2- Fidèlami
3- Le chœur
4- Le Roitelet
5- Le Rossignol
6- Rossignol & Bonespoir
7- La Huppe
8- Prométhée
9- L’Aigle et Zeus
10- Deux baguettes