Les Oiseaux à l’Opéra du Rhin : le Chœur
Les Oiseaux s'inspirent d'Aristophane mais "le chœur dans cet opéra n'a pas la fonction du chœur dans les tragédies antiques qui racontait l'histoire et donnait des informations au public, précise Alessandro Zuppardo, Chef du Chœur de l'Opéra National du Rhin. Ici, le Chœur est un véritable personnage. Le personnage principal même de cette histoire où c'est une communauté d'oiseaux qui règne sur le monde et sur les hommes. Deux hommes sont d’ailleurs les protagonistes de cette histoire [nous les présentions dans nos deux premiers épisodes], mais ils l'animent dans leur rapport avec Les Oiseaux, dans la manière de les convaincre alors qu'ils sont d'abord méfiants vis-à-vis des humains.
La première entrée des oiseaux est très compliquée car la partition utilise les onomatopées pour décrire chaque groupe d'oiseaux, rythmiquement jusqu'à la conclusion dans une géniale organisation. C'est très complexe mais très intéressant car l'effet général est très bien écrit et construit. La partition montre, dès cette présentation des oiseaux, comment le compositeur réussit à donner cette idée de peur, de désordre (très organisé) d'une volière, avec toutes ces onomatopées (ce qui témoigne d'une grande recherche, et annonce aussi ce que fera Messiaen dans un travail ornithologique et musical pour représenter les chants des oiseaux)".
Le chef de chœur partage aussi une autre référence que nous citait Bonespoir dans le premier épisode : “La fin de l'acte I est aussi très inspirée des Maîtres Chanteurs de Wagner. Le chœur chante alors toujours tout ensemble mais va gagner dans l'impact sonore avec de fait plus de puissance.
J'adore également la présentation des oiseaux au tout début du deuxième acte, avec les voix des méchantes fleurs qui viennent apporter l'humidité du nord. Sur le plan harmonique, cette scène est très intéressante car elle utilise une gamme hexatonique (de 6 sons) créant des harmonies magiques, parfaites pour les sortilèges de cette scène. Le chœur est alors un peu utilisé comme dans la musique impressionniste pour donner des couleurs et harmonies un peu étranges et exotiques.
Il en va un peu de même pour la scène de la bataille, qui utilise la voix du vent et chante sur des voyelles. Les couleurs sont presque orchestrales (ce qu'il ne faut pas sous-estimer : c'est aussi une caractéristique de l'époque, qui est celle de Puccini dans Turandot ou du Nain de Zemlinsky). La scène de guerre utilise les voix comme un instrument (comme c’était déjà le cas dans des chansons de la Renaissance, et du temps de Braunfels avec des instruments modernes inventés à cette époque).
Par la suite, dès que le chœur est convaincu de construire la ville avec les deux hommes, Les Oiseaux sont davantage dans l'esprit de la tragédie grecque : plus homorythmiques, moins variés.
Les chœurs dans cette partition sont ainsi un défi musical, avec ces oiseaux qui chantent autant de sons et de texte. Tout cela est relativement complexe à mémoriser (moins dans la partie en écriture homorythmique, certes) et les références stylistiques sont nombreuses. La musique rappelle Strauss, Wagner, Puccini et elle se déploie à ce moment esthétique où les compositeurs cherchent à changer la fonction du chœur, lui donner plus de possibilités pas seulement pour exprimer des sentiments mais créer des couleurs orchestrales.
Dans toutes leurs interventions, le compositeur parvient à donner au chœur une présence importante, pas seulement pour produire du son mais construire aussi des personnages. Cette création française de l’ouvrage permettra de mettre en avant les qualités du Chœur de l’Opéra National du Rhin, de chanter bien entendu ce livret raffiné en allemand, de montrer la puissance avec plus de 50 voix mais dans une gamme infinie d'articulations, d'accents, de couleurs. C'est un chœur qui peut présenter toutes les nuances et facettes de la voix, c'est un ouvrage idéal pour montrer tout cela.”
Retrouvez Les Oiseaux de Walter Braunfels en création française à l'Opéra National du Rhin, du 19 au 30 janvier 2022 à Strasbourg, les 20 et 22 février à Mulhouse.
Pour naviguer parmi les Airs du Jour de cette série, cliquez sur les liens ci-dessous :
1- Bonespoir
2- Fidèlami
3- Le chœur
4- Le Roitelet
5- Le Rossignol
6- Rossignol & Bonespoir
7- La Huppe
8- Prométhée
9- L’Aigle et Zeus
10- Deux baguettes