Peter Sellars, la mise en scène pensée comme rituel
5. La mise en scène pensée comme rituel
Après l’excitation des années 80-début 90, Peter Sellars se tourne de plus en plus franchement vers le bouddhisme, même si son travail a toujours proposé une approche qui ne sacrifie jamais la part spirituelle de l’Homme, malgré des façades qui pourraient évoquer le contraire. Son œuvre est parcourue d’une grande compassion et d’une vision qui voit dans « l’autre », la source de la rédemption, mais également dans l’art, une force pour soutenir les âmes à la dérive.
C’est dans cet esprit qu’il a par exemple programmé l’exécution d'une cantate de Bach par semaine en 1978 à destination des sans-abris et des drogués de Londres, en justifiant ce choix par la puissance de guérison cérémonielle et de purification rituelle contenues dans ces œuvres de Bach ; mais également ses mises en scène de La Passion de Saint-Matthieu et de Saint-Jean dirigés par Simon Rattle à Berlin en 2014, pensées comme le récit de la mort et de la résurrection d’une communauté autour d’un sépulcre.
Sellars s’est également nourri de ses voyages avec une grande ouverture d’esprit, de la Russie qui l’a « obsédé » après sa découverte de Moscou dans les années 70 avec la délégation française des pratiquants de marionnettes, s’inspirant ensuite pour son travail de figures russes comme le poète Maïakovski, mais également du Japon qu’il découvre jeune une première fois après que sa mère soit partie vivre 5 ans à Kobe, et dont la découverte du théâtre Kabuki hautement ritualisé lui a permis d’expérimenter une autre approche du temps qui s’étale au rythme du soleil dans une journée ; ou encore les sources anciennes de l’Inde qui l'ont notamment inspiré pour ses livrets d’opéra ou nombres de ses mises en scène récentes bien plus apaisées que celles des années 80-90 (à l'image de sa mise en scène d'Only the Sound remains évoquée dans un air du jour précédent).
Quand on lui demande de raconter son approche de la mise en scène d’opéra, il explique : « J’aime déjà cette présence tous ensemble, c’est une sorte de miracle. Je suis là pour aider à ce que ce miracle fleurisse. Je n’aime pas la pression, il faut pouvoir respirer dans un monde protégé, sans espace et sans temps, et à travers ça, donner de la réalité, plus d’espace et de temps. La poésie et le théâtre, c’est ce qui peut encore advenir. »
Lorraine Hunt Lieberson chante les airs Ah! Whither should we fly, or fly from whom? et As with rosy steps the morn extraits du Theodora de Haendel dans une production de Peter Sellars pour Glyndebourne :
Rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle série #Airdujour sur 5 autres mises en scène de Peter Sellars.