Notre passé, je l'oublie, Carmen
Carmen de Mérimée mise en musique par Bizet est l'histoire d'une descente aux enfers, pour un amant (Don José, entre autres) qui va jusqu'à proposer d'oublier tout le passé pour retrouver l'amour de Carmen,
Le finale du chef d'œuvre de Bizet est interprété par Roberto Alagna et Elīna Garanča à l'Opéra Bastille (notre compte-rendu de cette production)
n° 27. Duo et Chœur final
DUO.
Carmen.
C'est toi ?
DON JOSÉ.
C'est moi.
Carmen.
L'on m'avait avertie
Que tu n'étais pas loin, que tu devais venir,
L'on m'avait même dit de craindre pour ma vie,
Mais je suis brave et n'ai pas voulu fuir.
DON JOSÉ.
Je ne menace pas, j'implore, je supplie ;
Notre passé, je l'oublie,
Carmen, nous allons tous deux
Commencer une autre vie,
Loin d'ici, sous d'autres cieux.
Carmen.
Tu demandes l'impossible,
Carmen jamais n'a menti,
Son âme reste inflexible
Entre elle et toi, c'est fini.
DON JOSÉ.
Carmen, il en est temps encore,
O ma Carmen, laisse-moi
Te sauver, toi que j'adore,
Et me sauver avec toi.
Carmen.
Non, je sais bien que c'est l'heure,
Je sais que tu me tueras,
Mais que je vive ou je meure,
Je ne céderai pas.
[ DON JOSÉ.
[ Carmen, il en est temps encore,
[ O ma Carmen, laisse-moi
[ Te sauver, toi que j'adore,
[ Et me sauver avec toi.
[
[ Carmen.
[ Pourquoi t'occuper encore
[ D'un cœur qui n'est plus à toi ?
[ En vain tu dis : je t'adore,
[ Tu n'obtiendras rien de moi.
DON JOSÉ.
Tu ne m'aimes donc plus ?
(Silence de Carmen et don José répète.)
Tu ne m'aimes donc plus ?
Carmen.
Non, je ne t'aime plus.
DON JOSÉ.
Mais moi, Carmen, je t'aime encore ;
Carmen, Carmen, moi je t'adore.
Carmen.
A quoi bon tout cela ? que de mots superflus !
DON JOSÉ.
Eh bien, s'il le faut, pour te plaire,
Je resterai bandit, tout ce que tu voudras,
Tout, tu m'entends, mais ne me quitte pas,
Souviens-toi du passé, nous nous aimions naguère.
Carmen.
Jamais Carmen ne cédera,
Libre elle est née et libre elle mourra.
CHŒUR et FANFARES, dans le cirque.
Viva ! la course est belle,
Sur le sable sanglant
Le taureau qu'on harcèle
S'élance en bondissant...
Viva ! bravo ! victoire,
Frappé juste en plein cœur,
Le taureau tombe ! gloire
Au torero vainqueur !
Victoire ! victoire !
(Pendant ce chœur, silence de Carmen et de don José... Tous deux écoutent... En entendant les cris de : Victoire, victoire ! Carmen a laissé échapper un : Ah ! d'orgueil et de joie... Don José ne perd pas Carmen de vue... Le chœur terminé, Carmen fait un pas du côté du cirque.)
DON JOSÉ, se plaçant devant elle.
Où vas-tu ?...
Carmen.
Laisse-moi.
DON JOSÉ.
Cet homme qu'on acclame,
C'est ton nouvel amant !
Carmen, voulant passer.
Laisse-moi.
DON JOSÉ.
Sur mon âme,
Carmen, tu ne passeras pas,
Carmen, c'est moi que tu suivras !
Carmen.
Laisse-moi, don José !... je ne te suivrai pas.
DON JOSÉ.
Tu vas le retrouver... tu l'aimes donc ?
Carmen.
Je l'aime,
Je l'aime, et devant la mort même,
Je répéterais que je l'aime.
FANFARES et REPRISE DU CHŒUR dans le cirque.
Viva ! bravo ! victoire !
Frappé juste en plein cœur,
Le taureau tombe ! gloire
Au torero vainqueur !
Victoire ! Victoire !...
DON JOSÉ.
Ainsi, le salut de mon âme,
Je l'aurai perdu pour que toi,
Pour que tu t'en ailles, infâme !
Entre ses bras, rire de moi.
Non, par le sang, tu n'iras pas,
Carmen, c'est moi que tu suivras !
Carmen
Non ! non ! jamais !
DON JOSÉ.
Je suis las de te menacer.
Carmen.
Eh bien ! frappe-moi donc ou laisse-moi passer.
CHŒUR.
Victoire ! victoire !
DON JOSÉ.
Pour la dernière fois, démon,
Veux-tu me suivre ?
Carmen.
Non ! non !
Cette bague autrefois tu me l'avais donnée,
Tiens...
(Elle la jette à la volée.)
DON JOSÉ, le poignard à la main, s'avançant sur Carmen.
Eh bien, damnée...
(Carmen recule... José la poursuit... Pendant ce temps fanfares et chœur dans le cirque.)
CHŒUR.
Toréador, en garde,
Et songe en combattant
Qu'un œil noir te regarde
Et que l'amour t'attend.
(José a frappé Carmen... Elle tombe morte... Le velum s'ouvre. La foule sort du cirque.)
DON JOSÉ.
Vous pouvez m'arrêter... c'est moi qui l'ai tuée...
(Escamillo paraît sur les marches du cirque... José se jette sur le corps de Carmen.)
O ma Carmen ! ma Carmen adorée !