Otello, le lion de Venise contre le serpent Iago
Otello est surnommé "il Leon di San Marco" (le Lion de Saint-Marc en l'honneur de Venise) son bateau est "l’alato Leon!" (le lion ailé). Durant tout l'opus, la métaphore est filée du lion qui sortira les griffes contre sa propre épouse et lui-même, périssant sous le joug du terrible traître Iago "Ecco il Leone!" (voici le lion, clame le traître sur le corps inerte du souverain, tel Ponce Pilate moquant Ecce homo devant Jésus déchu).
L'avant-dernière création de Verdi, l'œuvre d'une énorme intensité dramatique palpable depuis la première note, met en musique (et en scène) la tragédie shakespearienne sur le guerrier maure Otello. Son enseigne, Iago, est le moteur de toute l'intrigue : souhaitant se venger d'Otello qui a promu Cassio au rang du capitaine à sa place, il complote pour mettre en œuvre ses intentions maléfiques. Iago réussit à convaincre Otello que sa bien-aimée Desdemona le trompe avec Cassio et ainsi, Otello ravagé par la jalousie et colère, tue Desdemona. Une fois qu'il constate l'erreur commise et la ruse de Iago, il prend la décision de mettre fin à sa vie et se poignarde.
Voici la scène (monologue d'Otello) de l'acte III qui précède le dialogue de Cassio et Iago qui va le persuader du faux adultère de Desdemona. Jonas Kaufmann chante pour la première fois ce rôle dramatique à Covent Garden de Londres en 2017, sous la direction musicale d'Antonio Pappano.
La version française par Camille du Locle et le livret italien signé Arrigo Boito :
Dio! mi potevi scagliar tutti i mali
della miseria, della vergogna, far de’ miei baldi trofei trionfali una maceria, una menzogna... e avrei portato la croce crudel d’angoscie e d’onte con calma fronte e rassegnato al volere del ciel. Ma, – o pianto, o duol! – m’han rapito il miraggio dov’io, giulivo, l’anima acqueto. Spento è quel sol, quel sorriso, quel raggio che mi fa vivo, che mi fa lieto! Spento è quel sol, ecc. Tu alfin, Clemenza, pio genio immortal dal roseo riso, copri il tuo viso santo coll’orrida larva infernal! Ah! Dannazione! Pria confessi il delitto e poscia muoia! Confession! Confession! (Entra Jago) La prova!... JAGO (indicando l’ingresso) Cassio è là! OTELLO Là? Cielo! O gioia! | Dieu ! Tu pouvais m'infliger tous les maux... De la misère et de la honte, Dieu ! Tu pouvais foudroyer mes drapeaux Flétrir mon front où l'ombre monte... Et j'acceptais le calice de fiel, La croix, la peine calme et sans haine, Le front courbé sous les décrets du ciel. Mais...Hélas ! Me ravir cet amour qui m'embrase, Le rêve ardent de mon extase ! La vision qui me charme, la foi De l'être aimé qui rayonnait pour moi ! Et ce baiser, ce baiser qui m'enivre Et cet immense amour qui me fait vivre ! O toi Clémence au regard doux et clair Voile ta face, cède la place Au châtiment qui surgit de l'enfer ! Ah ! damnation ! L'aveu de son crime d'abord ! L'aveu de son crime à genoux ! (Entre Iago) La preuve ! IAGO (montrant l'entrée) Cassio est là ! OTELLO Là ! Juste ciel ! |
Giuseppe Verdi - Otello, "Dio! mi potevi scagliar"
Otello : Jonas Kaufmann
Iago : Marco Vratogna
Mise en scène : Keith Warner
Direction musicale : Antonio Pappano
Royal Opera House de Londres, 2017
Le rôle de Iago dans l'Otello de Verdi est l'un des derniers qui fut arboré par Dmitri Hvorostovsky. Ce personnage est particulièrement cruel. Que ce soit dans la pièce de Shakespeare ou dans l'opéra du maître italien, celui-ci est cynique, profondément manipulateur, et sera la cause de la folie d'Otello.
Revenu victorieux d'une bataille contre les Turcs, le Maure Otello retrouve sa femme Desdémone sur l'île de Chypre. Voulant le faire tomber, son lieutenant Iago fomente un plan qui, ça et là, instillera un doute dans son esprit : Desdémone le tromperait avec Cassio. Aveuglé par sa jalousie, Otello se laisse convaincre par les preuves que lui avance Iago. Hors de lui, Otello étrangle Desdémone, avant de se poignarder lorsqu'enfin il découvre la vérité.
Cet air, « Credo in un Dio crudel », est chanté au début de l'Acte II par Iago. Celui-ci, ayant conseillé à Cassio, lequel se plaint de sa déchéance, d'aller demander des conseils à Desdémone (ce qui sèmera le trouble dans l'esprit d'Otello), chante la gloire d'un Dieu cruel qui l'aurait créé à son image. Ses paroles sont particulièrement cyniques : il voit dans la vie une dérision, quelque chose d'insignifiant qui s'achève dans le néant et dans la mort.