Malèna de Roberto Alagna : un hommage intime à l'Italie
Les trois frères Alagna avaient produit en 2007 le livret de l'opéra Le dernier jour d'un condamné composé par David. Les arrangements, très italiens, émouvants et allègres sont produits par celui que Roberto considère comme son troisième frère : Yvan Cassar, qui a travaillé avec toute la variété française depuis Johnny Hallyday jusqu'à Dorothée mais aussi avec José Carreras ou Montserrat Caballé. La voix expressive est accompagnée sobrement par une guitare bien italienne, une mandoline traditionnelle ou bien un violon effleuré résonnant en harmoniques. L'intimité des chansons devient grandeur éloquente, souvent au sein d'un même morceau, avec l'arrivée de grandes plages de cordes et de cuivres (interprétées par le London Orchestra). Ces arrangements et cette sincérité ont été pensés dans l'esprit du légendaire ténor Caruso, qui défendait lui aussi la musique napolitaine. La référence se fait évidente dès la deuxième piste de l’album : Se parla 'e Napule presque a cappella qui sort d'un gramophone. Dans ce même esprit, Roberto Alagna cite la démarche de Beniamino Gigli qui consiste à “oublier la technique”, presque dans une rupture de la voix bel-cantiste pour trouver une vérité dans les sentiments. L’inspiration est aussi cinématographique, dans l’esprit des réalisateurs Mario Lanza, d’Ettore Scola ou bien évidemment du film Malèna de Giuseppe Tornatore avec Monica Bellucci (2001).
Malèna est la première piste de l’album, auquel elle donne son titre. C'est aussi le nom de la plus jeune fille d’Alagna, à qui ce disque est dédié. Cette première mélodie offre immédiatement la part la plus intime d’Alagna, qui a écrit lui-même le texte dans la langue sicilienne de ses origines. Lors des présentations de cet album, Alagna insistait sur les imperfections qui font l’émotion et la recherche des petites touches de bonheur, d’émotion et de tristesse d’un répertoire bouleversant. Dans tout l’album, mais particulièrement dans cette première chanson de l’intimité, la voix de Roberto Alagna est ainsi haletante, tremblante d’émotion. Elle se brise parfois, notamment sur des fins de phrases heurtées. Malena est un cri, comme le "Papa" qu’elle lui répond.
La suite du disque alterne les ambiances et les émotions avec une grande variété. Les airs napolitains sont guillerets à souhait. Les danses du sud de l’Italie comme Napolitanella (Canzona nova) vont jusqu’à la frénésie d’une tarentelle Sicilianedda (Tarantella prisuntusa). Marechiare, très allante sait toutefois bouleverser avec quelques rallentendo subito (ralentissement subit) expressifs. Come facette Mametta est l'italianité incarnée dans l'humeur sautillante, la voix rebondie d'Alagna et les instruments traditionnels. Elle donne envie de commander un cappuccino en faisant tourner une pâte à pizza ! À l'inverse, le tube napolitain O Sole Mio n’a plus son caractère solaire mais devient une complainte mélancolique aux accents arabo-andalous (dans l’esprit de la Sicile qui est le carrefour des mondes européens et arabes). L’autre tube de l’album Funiculì funiculà rappelle qu’Alagna sait mettre la puissance du ténor d’opéra au service de mélodies populaires. Etna (Sicilia focu e sangu) illustre, quant à elle, la menace du volcan par des percussions tribales et un solo de guimbarde.
Les langoureuses élégies méditerranéennes sont méditatives et nostalgiques. Core 'ngrato s’ouvre par un solo de trompette qui résonne amplement avant l'entrée d'une douce harpe. Les cordes frémissent dans l'aigu puis étalent de grandes nappes sonores. Alagna montre dans cette chanson qu'il conserve toute la longueur de son souffle, multipliant dans une seule phrase les changements de registres. Les fréquents trilles ne sont pas là pour orner la voix mais au contraire souligner sa rupture émue.
Le chanteur se tend vers l’auditeur avant d’alléger en mezza vocce dans Tu si da mia composée par Frederico Alagna, tout comme dans la mélodie napolitaine de 1900 I' te vurria vasà. C’est un étonnement que de l’entendre alors repartir dans une tirade déchirante. Amuri feritu bascule dans une marche funèbre. Conservant tout son éclat vocal, Alagna se plaint d'avoir perdu son amour, de ne plus vivre, manger ni dormir. La guitare et même la mandoline qui l'accompagnent dans un rythme ternaire mélancolique deviennent des instruments de deuil. Scetate rassure ensuite, plongeant dans une berceuse orientale.
Torna a Surriento est la pièce qui ressemble le plus à une scène d'opéra avec un accompagnement fait pour mettre en valeur sa ligne vocale lyrique. C’est pourquoi cette chanson napolitaine composée en 1902 a été interprétée par les plus grands ténors lyriques. Comme dans l'opéra, l'orchestre soutient l'ampleur et la puissance croissante de la ligne vocale par cordes et cuivres. L’album se conclut par une ode mélancolique à l’amour qu’on devine paternel (I te voglio bene assaje) et à la Libertà.
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